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Le monde perdu

Secondaire, mon cher Malone !

samedi 5 mai 2007, par von Bek

Arthur Conan DOYLE (1859-1930)

Grande-Bretagne, 1912, The Lost World

1ère édition française, 1959

Autre création du père de Sherlock Holmes, le professeur Challenger fait son apparition en 1912 dans Le monde perdu. Est-ce parce que Arthur Conan Doyle en était arrivé à détester son détective de héros adulé par ses lecteurs, au point de le tuer en 1893, que, ne voulant pas courir à nouveau ce risque, il fit de Challenger un homme absolument insupportable et détestable ? Toujours est-il qu’à l’opposé de Holmes, George Edward Challenger est un homme trapu, velu, barbu et imbu de lui-même (comme Sherlock Holmes sur ce point). Du moins est-il ainsi dans sa première apparition.

Pour conquérir l’amour de sa belle, Ed Malone, le narrateur,part à l’aventure dans une expédition chargée de confirmer, ou d’infirmer, pour l’institut de zoologie les assertions fantastiques du colérique professeur Challenger qui prétend avoir découvert dans les tréfonds de la forêt amazonienne un monde où les dinosaures auraient perduré. Etant journaliste au Daily Gazette, Malone accomplit le voyage pour le compte de son journal et ce sont donc les lettres à celui-ci qui constituent le corps principal du roman. Outre les porteurs noirs, métis ou indiens, l’expédition se constitue du professeur Challenger, du professeur Summerlee son contradicteur et de Lord Roxton, aventurier patenté.

Autant dire tout de suite que Malone fait un étrange journaliste car son récit semble faire des coupes dans l’histoire, surtout quand l’équipe a atteint son objectif (c’est-à-dire au milieu du livre !) et se retrouve malencontreusement coincée sur le plateau oublié. Ainsi en est-il des mésaventures chez les hommes-singes qui constituent pourtant le moment le plus haletant du récit : la bataille, sauvage, qui laisse de nombreux morts sur le carreau est réduite à une page. De même, certains mystères du monde perdu, comme la bête blanche du marécage, sont évoqués mais pas abordés et encore moins résolus bien sûr. Doyle aurait-il mis de côté des idées dans la perspective d’un éventuel Retour au monde perdu ? On sait que l’auteur est un coutumier du fait car il aimait à évoquer d’autres aventures de Sherlock Holmes dans ses nouvelles, mais ici il procède avec maladresse.

L’aspect scientifique est à peine effleuré et l’on sent l’auteur moins à l’aise que Jules Verne avec la science pure. Pourtant, Le monde perdu s’apparente aux voyages extraordinaires de Verne en général et au Voyage au centre de la Terre en particulier (1864). Le récit est d’autre part assez simpliste dans son propos. De même, les personnages sont caricaturaux ; outre Challenger, lord Roxton, avec son ton familier et sa mâle assurance (il ne cesse d’appeler Malone Bébé), n’a de lord que le nom. Sa gouaille n’est pas sans évoquer un aventurier d’un autre genre : Arsène Lupin. De nombreux éditeurs contemporains ne s’y sont pas trompés et rangèrent le livre dans leurs collections de jeunesse.

Le monde perdu a cependant eu une grande influence. Porté à l’écran dès 1925 (Harry O. Hoyt), il l’est presqu’une dizaine de fois par la suite et inspire d’autres oeuvres comme King Kong en 1933 et Jurassik Park. Ce dernier, il est vrai, étant l’adaptation d’un roman de Michael Crichton. L’influence du roman de Doyle se fait par ailleurs sentir sur la bande dessinée. A lire le Rayon U (1943) d’Edgar P. Jacobs, on ne peut lui nier des ressemblances : le chef des hommes singes, illustration parfaite du personnage décrit par Arthur Conan Doyle ou encore le prince Nazca qui est à rapprocher du prince indien, sans parler des ptérodactyles et autres dinosaures ou de l’idée d’une île perdue, version insulaire du plateau de Doyle et même de quelques scènes mémorables comme l’attaque du campement et le piège à fauve. On sait que le père de Blake & Mortimer fut un dessinateur très influencé par la SF de la fin du XIXe et du début du XXe [1]. Tardi, lui-même, ne serait-il pas allé piocher l’idée de son ptérodactyle (Adèle et la bête, 1976) dans celui que Challenger ramène vivant à Londres ? Loin de la SF et du fantastique, Maurice Tillieux n’y aurait-il pas puisé un peu de son inspiration pour Les trois tâches (1963) ? Pure spéculation...

Sans aucun doute, Le monde perdu est une lecture qui a marqué les esprits de certaines jeunesses. Permettez-moi pour ma part de douter de sa capacité à séduire des lecteurs plus adultes...


[1il a illustré une édition de La guerre des mondes de H. G. Wells

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