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LES MAITRES DU TEMPS
samedi 17 mars 2007, par
René LALOUX (1929-2004)
France, 1982
Les Maîtres du temps est un des trois longs métrages d’animation réalisés par le talentueux René Laloux, huit ans après La Planète sauvage et six ans avant Gandahar. Toutefois, bien que possédant nombre de qualités, il est certainement, des trois, celui qui s’avère le moins convaincant. Pour le mettre au point, René Laloux a puisé une nouvelle fois dans la production pour le moins prolixe des débuts littéraires de Stefan Wul, en jetant son dévolu sur L’Orphelin de Perdide, rebaptisé Les maîtres du temps sur demande de la production. Est-ce ce choix d’une histoire centrée sur un enfant, mais ce long métrage est sans aucun doute celui qui possède l’approche la plus simple et séduisante pour un jeune public. L’histoire est assez linéaire, tout au moins jusqu’au final, et on sent une certaine influence de Star Wars, en particulier à travers le personnage de Jaffar, mercenaire au grand cœur qui n’est pas sans évoquer Han Solo. En outre, l’ajout des deux extra-terrestres télépathes, véhicules d’un incontestable humour, permet à des spectateurs juvéniles d’accrocher plus facilement à l’ensemble, tout comme les quelques chansons qui sont un point commun -certes ténu- avec les productions de Walt Disney.
Pour autant, Les Maîtres du temps possède une originalité certaine, et la patte de René Laloux est bien là, le rythme d’ensemble, sans jamais être ennuyeux grâce à un scénario bien dosé en rebondissements, se révélant apaisant et planant. Les dessins de Moebius, dont le talent n’est plus à démontrer, sont de qualité (magnifiques vaisseaux ou paysages planétaires), bien que l’on puisse les trouver un peu moins originaux que ceux de Topor ou Caza. Leur animation elle-même est assez classique, conséquence sans doute d’un budget relativement réduit (le gros du travail se fit en Hongrie « socialiste »). Signalons toutefois une avancée technologique importante pour l’époque, qui nous paraît aujourd’hui légèrement maladroite : le tout dernier plan, entièrement réalisé en images de synthèse ! Ces graphiques sont très bien complétés par des dialogues (et des voix !) savoureux, œuvre de Jean-Patrick Manchette, l’auteur de polars, et une musique électronique pleinement inscrite dans son époque de composition (avec quelques échos de la partition audible sur Planète interdite).
Tout commence sur Perdide, une planète aux mille dangers, avant-poste de la colonisation humaine. Le petit Piel s’y retrouve seul suite à la mort de ses parents, menacé par l’espèce animale la plus dangereuse de l’écosystème local, les frelons. Son père, avant de mourir, lui a cependant confié un micro qui est son unique liaison avec Jaffar, le meilleur ami de celui-ci. Ce dernier va donc tout faire pour aller récupérer Piel, en compagnie d’un couple d’aristocrates déchus en exil et de son vieux compagnon, Silbad, un vieillard toujours vert et vif. Sur leur chemin, ils devront affronter la menace des forces de la Réforme, désireuses de retrouver le trésor royal emporté par le prince passager, et d’une espèce extra-terrestre où prime l’effacement de l’individu sur le tout fusionnel (passage traité d’ailleurs de manière trop rapide). La fin du métrage, surprenante, est une magnifique illustration du thème classique en SF du paradoxe temporel, avec de surcroît une charge émotionnelle très forte...
Cependant, en dehors de l’aspect prenant et émouvant de ce dessin animé, on restera quelque peu sur notre faim quant aux messages véhiculés. Même si l’on retrouve ce thème récurrent chez René Laloux du danger de la disparition de l’individualité au sein d’une société uniforme, on ne peut citer en dehors de lui que cette fable métaphorique sur le sens de la vie, cœur du scénario : jeunesse et vieillesse forment deux extrémités d’un même cycle, non antagoniques, composantes du même esprit de vie de l’univers (symbolisé par les fameux maîtres du temps, équivalent de La patrouille du temps de Poul Anderson, qui évoquent aussi bien 2001 que Créateur d’étoiles de Stapledon). L’ensemble peut apparaître un peu court, mais cette analyse ne doit pas empêcher de se laisser griser par la magie poétique des Maîtres du temps, qui en son temps, après avoir eu peu de succès en salle, lors de sa diffusion sur TF1 (pas encore privatisé !), m’avait tout simplement secoué et conquis, s’inscrivant profondément dans ma mémoire !