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L’épopée martienne
Les titans du ciel, suivi de L’agonie de la Terre
samedi 18 août 2007, par
Théo VARLET (1878-1938) et Octave JONCQUEL
France, 1921-1922
Encrage, collection Classique, 1996, 226 pages.
Théo Varlet est, avec Maurice Renard, un des grands noms de la SF française de l’entre-deux guerres. Parmi ses romans les plus connus, on doit citer La grande panne, La belle Valence ou les deux tomes de L’épopée martienne, magnifiquement rééditée par Encrage. Ecrit au sortir du premier conflit mondial, alors que cet auteur bourgeois se voyait contraint de multiplier les activités (dont celle de traducteur) afin de faire face à des difficultés financières inédites, il s’agit d’une histoire d’invasion extra-terrestre dotée d’un souffle certain. Elle débute comme un hommage patent à La guerre des mondes de Wells, avec l’attaque des Martiens sur Terre, à cette différence près que cette agression se déroule dans le futur de l’auteur, en 1978. A cette époque, la planète et ses trois milliards d’habitants sont dirigés par un directoire de savants âgés, qui ont certes unifié les pays en un seul Etat et fait disparaître la guerre grâce à un désarmement généralisé (une solution pour le moins rapide), mais règnent de manière quelque peu autoritaire, n’hésitant d’ailleurs pas à utiliser la force brute de « gendarmes nègres » (sic) pour mater tout mouvement de contestation populaire. Notons toutefois une évolution de l’humanité qui entretient quelques liens avec le socialisme, puisque « Les perfectionnements du machinisme, la limitation de la natalité, enfin admise comme une conséquence naturelle de la civilisation arrivée à son apogée, avaient réduit à trois heures la durée du travail journalier et concédé aux hommes de nouveaux loisirs » ; on est en tout cas là, pour ce qui est de la structure sociale et de la façon de diriger, dans une sorte d’anticipation des analyses d’un Bruno Rizzi...
L’invasion martienne sonne d’ailleurs le glas de ce système, puisque sous les effets conjoints de la panique et de l’incapacité partielle des autorités, « l’anarchie mystique » s’éveille, sous la forme de regains nationalistes et d’espoirs communistes (p.34), ces derniers plus dangereux car déclenchant des « luttes fratricides ». Mais les riches sont également critiqués, eux qui profitent de leurs ressources pour tenter de se mettre égoïstement à l’abri du cataclysme. La Terre n’est cependant pas isolée dans cette guerre interplanétaire, puisque Jupiter s’est alliée à elle contre Mars. Le roman fait preuve en tout cas d’un certain pessimisme, les catastrophes s’enchaînant les unes après les autres, avec cette bonne idée d’un nouveau culte barbare, celui de la Nuit éternelle. Le final, qui nous découvre enfin l’apparence des Martiens (apparence plutôt décevante, d’ailleurs, car assez caricaturale), verse également dans le mysticisme, voire l’occultisme, les âmes du couple central se retrouvant désincarnés ; on pense ici aux romans de Jean de la Hire ou de Gustave le Rouge.
Avec L’agonie de la Terre, la tendance au spiritualisme se renforce, puisque après une excursion dans l’infini de l’univers, les deux âmes errantes se retrouvent sur Vénus, où elles reçoivent l’aide d’un « maître-initié » pour prendre possession des corps de dirigeants martiens, afin d’enrayer leur conquête de la planète. L’ensemble est plus pesant, moins prenant. On y retrouve au passage une condamnation du socialisme, à l’occasion de la destruction de leur quartier général par les Martiens eux mêmes : « Pétrolisation de Paris par la Commune ! (...) Voilà donc le résultat final où aboutissent les efforts de l’intelligence et de l’industrie, quelle que soit la civilisation qui les a engendrés ! » (p.198). Quant au final, s’il marque la victoire d’une humanité extrêmement affaiblie, il confirme la condamnation de l’industrialisme à outrance qui court tout au long du roman, envisageant même « un retour à la simplicité de la nature ».