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PLANETE SAUVAGE
samedi 23 juin 2007, par
René LALOUX (1929-2004)
France, 1973
Dessins de Roland TOPOR
Premier long métrage de René Laloux, La Planète sauvage, qui reçut le prix spécial du jury au festival de Cannes, ainsi que diverses autres distinctions internationales, est sans doute à la fois sa bénédiction et sa malédiction. Bénédiction, puisqu’en plus de donner de la considération à un genre, le film d’animation, souvent -et exclusivement- associé à l’enfance, il lança la carrière de réalisateur de Laloux. Mais malédiction, car après un tel succès, ses œuvres ultérieures (Les Maîtres du temps, Gandahar) furent constamment jugées à l’aune de celui-ci, généralement à leur désavantage.
Il est en tout cas incontestable de reconnaître les sérieux atouts de La Planète sauvage, qui en font une référence encore aujourd’hui, en dépit d’une animation un peu trop statique, manquant de fluidité. Réalisé en Tchécoslovaquie durant plusieurs années, avant et après le printemps de Prague, le film bénéficie d’un magnétisme visuel certain, grâce aux dessins de Topor, certainement les plus originaux des trois longs métrages de Laloux, véhicules d’une poésie onirique. Minimalistes et surréalistes, la faune et la flore très inventives qu’ils illustrent ne sont pas sans se rapprocher de tableaux signés Dali.
L’autre point fort, c’est bien sûr le scénario, inspiré du roman de Stefan Wul, Oms en série. De ce livre datant de la fin des années 50, le réalisateur n’a conservé qu’une bonne moitié, condensant le reste, avec une fin qui reflète totalement l’esprit psychédélique de l’époque. Sur la planète Ygam, vit une espèce humanoïde géante, les Draags, adeptes d’une vie méditative et paisible. En arrière fond, le spiritualisme dont ils font preuve n’est pas sans lien avec le mysticisme très à la mode à l’époque. Comme animaux domestiques, ils utilisent des humains, les oms, récupérés sur une planète victime d’un cataclysme, jusqu’au jour où l’un d’entre-eux, Terr (sic), parvient à bénéficier de l’éducation normalement réservée aux enfants Draags. Parvenant à s’enfuir, il rejoint alors les oms sauvages, avec qui il va s’efforcer de construire une vie nouvelle.
Derrière la critique de la domestication animale, et de la cruauté dont on peut faire preuve à l’égard des animaux, à l’instar du Pierre Boulle de La Planète des singes, on trouve dans La Planète sauvage un éloge de la liberté et de l’éducation, source d’émancipation, opposé à la foi aveugle, message totalement en phase avec ces années post 68 ; tout comme l’amour libre qui est ici exposé brièvement et surtout d’une manière fort pudique. Enfin, le dénouement est un appel à la tolérance et à la vie fraternelle entre les êtres, conclusion qui peut paraître naïve, mais n’en demeure pas moins généreuse.
Film au rythme paisible, composé de petites scénettes concises, La Planète sauvage se regarde sans aucun ennui, et s’impose définitivement comme un classique du genre.