Zoulou Kingdom

Christophe LAMBERT (1969-)

Fleuve Noir, coll. "Rendez-vous ailleurs", 2007, 288 p.

1878. La Grande-Bretagne victorienne étend sa main sur l’Afrique australe mais se heurte en chemin au royaume zoulou, seul entité politique aborigène à même de lui résister et susceptible de gêner sa prise de contrôle des Républiques boers du Transvaal et d’Orange. Dans l’Histoire, ce qui pour les Britanniques, sûrs de la supériorité de l’Europe en général et de l’armée de sa glorieuse majesté, la reine Victoria, équipée de fusils Martini-Henry (l’armée pas la reine), auraient dû être une campagne relativement aisée, a commencé par une défaite magistrale au pied de la colline d’Isandhlwana quand 20 000 Zoulous écrasent 3 000 soldats. Isandhlwana n’est pourtant qu’une exception et lord Chelmsford s’empare d’Ulundi et capture le roi zoulou Cetshwayo quelques mois plus tard. Le Zoulouland a vécu. A moins qu’un écrivain aussi prolifique que Christophe Lambert et praticien de l’uchronie et du voyage temporel (La brêche, 2005 ou Souviens-toi d’Alamo !, Mango Jeunesse, 2002) qui plus est, en décide autrement.

1878. L’armée Chelmsford se prépare à envahir le Zoulouland mais le roi Cetshwayo ne l’entend pas de cette oreille (ni de l’autre d’ailleurs) et fait appel au pouvoir de son médecin sorcier. Celui-ci, après avoir établi un lien sanglant avec un obscur écrivaillon de la métropole anglaise, transfert par magie 40 000 guerriers des impis zoulous sur les côtes anglaises avec pour objectif de prendre Londres. Complètement surprise, l’armée de sa majesté n’a que 2 régiments à leur opposer, dont le 37e North Hampshire auquel appartient le capitaine Finn. Dans cette histoire, Isandhlwana s’appelle Salisbury et les Zoulous ont envahi Londres.

On ne perdra pas son temps à discuter ici de la valeur uchronique de Zoulou Kingdom, disons simplement que la sorcellerie fournit un bien pauvre point de divergence et, qu’à l’image de La Brêche, la fin du roman tient de l’utopie. Il est vrai cependant que la SF ne brille pas par le réalisme de son propos et que bien des voyages temporels tiennent de la chute dans un trou (De peur que les ténèbres).

Ce point évoqué ne doit pas dissimuler l’essentiel. Zoulou Kingdom est un roman efficace au style haletant et aussi pointu que l’assegai zoulou. Peut-être pourra-t-on aussi reprocher à l’auteur la simplicité de son écriture, mais on n’ira pas jusqu’à parler de pauvreté stylistique. D’autant que le livre prouve ponctuellement que l’auteur sait user d’autres tournures, s’inspirer d’autres écritures. Christophe Lambert a sans doute porté l’essentiel de son effort sur la reconstitution d’une époque dans un livre qu’il voulait hommage envers celle-ci.

De fait, il y a derrière un vrai travail de documentation et le roman fourmille de clins d’œil et de références culturelles que l’auteur prend soin d’expliquer dans une postface très pédagogique. Visiblement, il s’est fait un plaisir de caser tous ce qui lui semblait typique de l’Angleterre victorienne depuis la morale hypocrite jusqu’aux personnalités présentes en chair et en bosses comme John Merrick (Elephant Man), ou par des personnages qu’elles inspirent librement comme Jack l’éventreur, en passant aussi par les personnages imaginaires comme Allan Quatermain sous les traits de Lord Pendergast ou des oeuvres plus contemporaines qui évoquent l’ère victorienne. Le lecteur peut ainsi rencontrer le jeune Herbert George Wells et le vieux Karl Marx. Seul Sherlock Holmes n’apparaît pas. Par son excès, l’exercice frôle cependant un peu trop la caricature et n’est pas sans rappeler ce type d’œuvre réalisée par des adultes qui aspirent à retrouver une partie de leur enfance. Confidence pour confidence le lecteur aussi...