La possibilité d’une île

Michel HOUELLEBECQ (1956 ou 1958-)

France, 2005

Lutter contre l’a priori négatif sur Michel Houellebecq, entretenu par les médias et probablement par le bonhomme.
Lutter contre le souvenir de lectures décevantes d’autres oeuvres de cet écrivain.
Lutter contre la désagréable impression d’hermétisme inutile laissée par les quelques pages qui précèdent la première partie.
Lutter contre le cynisme apparent du personnage principal, Daniel.

Il faut lutter contre tout cela, pour ne pas passer à côté de La possibilité d’une île, oeuvre d’anticipation subtile et tour d’écrou effrayant autour de l’histoire de notre monde.

Daniel est humoriste, une sorte de Pierre Desproges méchant. Il raconte sa vocation, son sexe, les femmes qu’il fréquente, son point de vue sur la vie, ses contradictions d’homme du début du XIXe siècle. Un chapitre sur deux est écrit par son 24e clone, puis par le 25e, qui ont la charge de commenter l’autobiographie de leur ancêtre.

L’humanité a en effet connu un tournant radical durant la vie de Daniel. Tandis que les mythes et tabous de l’humanité s’effondraient un à un, une religion, calquée sur la secte raélienne, a pris son essor et organisé le suicide de l’espèce dominante, destinée à être remplacée par la néo-humanité, constituée de clones des adeptes indéfiniment renouvelés.

Si la vie de Daniel, qui ressemble plus au commun des mortels qu’il n’y paraît, est peu enviable, celle de ses successeurs, inspirée du mode d’emploi d’un magnétoscope, ne donne pas spécialement envie non plus. L’un comme les autres sont seuls. Et si l’organisation sociale du futur repose précisément sur cette solitude constatée, tout ne va pas vraiment pour le mieux dans cette humanité en mode pause.

Réflexion profonde sur le bonheur et l’amour - cette "île" que Daniel1 et Daniel25 chercheront chacun à leur façon - La possibilité d’une île se trouve être également un excellent livre de science-fiction, riche en surprises, puisant dans un décorum raélien étonnement fécond.

cf. la chronique de l’adaptation cinématographique par l’auteur lui-même...