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LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE

La plante qui venait du froid

jeudi 7 juillet 2005, par von Bek

Christian NYBY (1913-1993) & Howard HAWKS (1896-1977)

Etats-Unis, 1951, The Thing from Another World

Margaret Sheridan, Kenneth Tobey, Robert Cornthwaite

La S.F. ne tient pas le haut du pavé dans le cinéma de l’Age d’Or d’Hollywood. Peut-être parce que le genre est assimilé à une littérature adolescente - les Pulps - et semble donc manquer de sérieux. Elle est loin de connaître l’engouement pour le film d’horreur dans les années 30. Toujours est-il qu’il est difficile de relier les grands noms du cinéma de l’époque à un film de S.F. La chose d’un autre monde illustre subtilement cet état de fait : la RKO Pictures n’hésite à afficher, à des fins de promotion, le nom de Howard Hawks qui a produit le film, mais elle se garde bien, et Hawks aussi, de dire que le réalisateur du Grand sommeil (1946) a assuré une bonne partie de la réalisation. Et ce n’est sans doute pas pour épargner l’ego de Christian Nyby, dont il s’agit d’un des rares films de cinéma, le réalisateur ayant fait ensuite sa carrière dans les séries TV les plus prestigieuses. (A noter que l’affiche française du film joue autrement sur la double casquette de Hawks).

A partir d’Anchorage, une mission de l’U.S. Air Force est envoyée en soutien d’exploration auprès d’un groupe de scientifiques installé dans une base polaire. Un étrange objet s’est écrasé à 80 km de la base. Arrivés sur les lieux du crash, savants et militaires découvrent une soucoupe volante prise dans la glace, mais la tentative de l’en dégager provoque sa destruction. Ils parviennent cependant à ramener un corps humanoïde pris dans la banquise et le ramènent à la base. C’était faire entrer le loup dans la bergerie, car, libéré de son sarcophage de glace, l’humanoïde se révèle encore en vie et particulièrement assoiffé de sang, source de son alimentation. Coincé entre sa certitude de la dangerosité de l’être pour la Terre et le fanatisme scientifique du Dr Carrington (Robert Cornthwaite) qui s’appuie sur les ordres parvenant difficilement d’Anchorage, le capitaine Kendry défend en définitive chèrement sa peau et celles de ses compagnons.

Adaptée de la célèbre nouvelle « La bête d’un autre monde » (Who goes there ?) de J. W. Campbell, parue en 1938 dans Astounding Science Fiction, l’histoire de La chose fait figure de classique de la S.F. des années 40. Précisons toutefois que le scénario omet quelques aspects de la nouvelle, comme le métamorphisme du monstre, omission que ne fait pas John Carpenter dans son adaptation The Thing en 1982. Il rend aussi mal l’atmosphère de la nouvelle plus centrée sur les réactions des personnages que sur l’action. Le choix de l’action fait, il est assumé et, traditionnellement pour ce genre de film, s’accompagne d’une atmosphère angoissante, ou voulue comme telle, supportée par une musique aujourd’hui plus insoutenable que réellement angoissante. Sont alors sacrifiés quelques aspects qui auraient pu contribuer à l’originalité tels que la forme humanoïde de l’E.T. et sa démarche qui évoque la momie ou le monstre de Frankenstein. L’histoire y perd donc.

D’autant que la position défendue par le Dr Carrington, pour scientifique qu’elle soit, apparaît d’abord très fanatique - il argue que le savoir est la finalité de l’existence humaine à tout prix - mais aussi comme stupide dans sa mise en application : profitant de la nature végétale du monstre, il en cultive des plants ; naïvement, il tente de raisonner la créature, ce qui lui vaut une clavicule cassée. Etrange image de la science qui ne correspond guère au récit original.

Fort heureusement l’humour n’est pas absent du film. Aux clins d’oeil volontaires - il est fait allusion au film Sergent York d’Howard Hawks (1941) - parfois d’un goût douteux comme la référence à l’exécution sur la chaise électrique de Ruth Snyder dont un photographe avait pris une photo qui défraya la chronique de 1928, s’ajoute un humour involontaire comme une porte barricadée de l’intérieur qui s’ouvre vers l’extérieur ou comme une tentative étrange d’éradiquer la menace en y boutant le feu avec du kérosène à l’intérieur d’un espace confiné à savoir le dortoir.

Il faut donc prendre ce film derrière lequel se dissimule Howard Hawks non pas pour un chef d’oeuvre mais pour ce qu’il est, à savoir un film de série caractéristique de son époque., mais qui marqua suffisamment les esprits pour que 54 ans après une parodie l’honore (The Naked Monster, de Ned Berwick & Ted Newsom, 2005), fut-elle de seconde zone.

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