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LE CHOC DES TITANS
Le poids des maux
lundi 31 décembre 2001, par
Desmond DAVIS (1926-)
Etats Unis, 1981, Clash of the Titans
Harry Hamlin, Judi Bowker, Burgess Meredith, Siân Phillips, Laurence Olivier
Si ce film présentera une dimension nostalgique certaine pour les plus anciens des jeunes que nous sommes, il risque d’apparaître comme extrêmement daté pour les autres... Il peut en effet être considéré comme le dernier représentant de toute une génération de films, dotés d’effets spéciaux réalisés image par image, avec le célèbre Jason et les argonautes comme fleuron, et dont le maître incontesté était Ray Harryhausen, justement à l’œuvre sur ce film (il arbore également la casquette de co-producteur). Il est évident qu’aujourd’hui, avec les progrès foudroyants du numérique, bon nombre de trucages font sourire par leur naïveté : des transparences pas toujours bien uniformisées, des créatures un peu poussives (le Kraken, dernier des Titans, en particulier), des maquettes un brin voyantes (l’Olympe, Argos)... Le choc des Titans sonne comme le chant du cygne de toute une époque d’artisans des effets spéciaux, dont le travail apparaît malheureusement souvent, ici, comme maladroit... On pense même à certains moments au navet Flash Gordon, contemporain du film. Mais pour expliquer cette qualité médiocre du métrage, il faut sans doute invoquer aussi la musique, incolore ; le budget, probablement restreint [1], comme en témoigne nombre de décors assez basiques, tels les marais de Calibos ; ainsi que la réalisation, basique, voire naïve (l’effondrement de la statue de Thétys dans le temple de Joppé, par exemple). Quand à la direction des acteurs, elle manque également d’ampleur, les scènes entre Andromède et Persée apparaissant par trop mièvres, et Persée lui-même assez monolithique dans son jeu... Ursula Andress fait même de la figuration, dans le rôle d’une Aphrodite qui ne décroche pas un mot !
Du point de vue du scénario, on a affaire à un mélange de diverses histoires librement inspirées de la mythologie gréco-romaine, principalement celles de Persée -le héros du film-, dans une version allégée, et de Béllérophon, avec l’introduction du cheval ailé Pégase. Ayant échappé au terrible châtiment qui leur était destiné, sa mère Danaë et lui se retrouvent dans la tranquilité d’une île, Sériphos, sur laquelle Persée grandit paisiblement. Arrivé à l’âge adulte, et sous l’influence de la déesse Thétys, il se retrouve à Joppé, capitale de Phénicie, un royaume en crise. En effet, Androméde, héritière du royaume, voit ses divers prétendants brûlés car n’ayant pas su répondre à une énigme, une épreuve imposé par Thétys dont le fils Calibos était destiné à Andromède. Mais par une décision de Zeus, celui-ci avait vu son apparence devenir monstrueuse, reflet des profondeurs de son âme. Persée triomphera finalement de la malédiction, ayant même réussi à dompter Pégase, et se mariera donc avec Andromède. Mais Thétys impose une nouvelle épreuve : Andromède devant se faire dévorer par le Kraken au bout de trente jours, Persée et ses compagnons doivent réussir à s’emparer de la tête de la gorgone Méduse, dont le regard pétrifie quiconque la regarde en face. Le voyage vers son antre, avec le passage chez les trois sorcières anthropophages (les trois Grées de la mythologie, qui étaient censées posséder une seule dent et un seul œil -visible dans le film- pour elles trois), s’avère être le moment le plus intéressant du film.
La dimension initiatique de ce scénario est patente. Persée est un roi sans trône, et pour récupérer la souveraineté sur Argos, il doit affronter les épreuves imposées par Thétis (qui remplace ici Héra la jalouse épouse de Zeus). Il sera aidé par les artéfacts donnés par les dieux de l’Olympe (un casque qui rend invisible, un bouclier et une épée, curieusement offerte par Aphrodite -à moins que l’on ne considère l’amour comme un combat ?), ainsi que par Ammon, dramaturge et figure du père absent, qui évoque un Obi Wan Kenobi antique... sans oublier Bubo, la chouette mécanique donnée par Athéna, petit être robotique source d’humour et d’une certaine spontanéité enfantine (un R2D2 antique ?). La fidélité dans l’esprit est en tout cas bien réelle, tous les épisodes et les lieux du film étant plus ou moins directement tirés ou inspirés des récits mythologiques ; on trouve même un monstre proche de Cerbère, le gardien des Enfers, et Charon le passeur des morts... De même, les dieux de l’Olympe apparaissent comme particulièrement tyranniques et odieux, voire manipulateurs (Zeus, bien interprété par Laurence Olivier), se permettant de condamner tout un peuple (cas d’Argos) ou des personnes innocentes (cas d’Andromède) pour des fautes qui incombent à certains individus seulement ; ils apparaissent ainsi comme les égaux de bien des divinités polythéistes ou monothéistes, à commencer par le Yavhé de l’Ancien Testament.
Malgré son intérêt sur le plan de l’histoire, et une conclusion étoilée, les multiples défauts visibles sur le plan formel font du Choc des Titans une simple série B, très datée et malheureusement peu marquante... Il serait aujourd’hui intéressant de voir poindre un renouveau de ces films mythologiques, proches du péplum, qui, lui, a justement connu un regain de jeunesse avec le Gladiator de Ridley Scott.
[1] Même pas !