L’invasion silencieuse

Gilles MORRIS (1924-)

France, 2007

Black Coat Press, collection Rivière blanche, 172 pages.

Avec ce roman, G. Morris effectue un retour à la SF après avoir livré dans les années 80 un bon nombre de livres au Fleuve noir. Rien d’étonnant donc à le voir collaborer pour Rivière blanche, avec de surcroît une savoureuse intrigue à double fond. Christine, jeune divorcée, s’inquiète pour son fils unique, Cédric, qui, à douze ans, dialogue quotidiennement avec un ami qu’il s’est imaginé, Robbie. Le hic, c’est qu’il affirme que Robbie est bien réel, et vient d’une autre planète. Signe d’un début de schizophrénie ? Manifestation d’un pouvoir mental qui ressemblerait à celui du Jolan de Thorgal dans l’album Alinoé ? Ou début d’une invasion masquée de la Terre par un de ses maillons faibles, celui des enfants ? Bien que le thème ne soit pas spécialement original, on se laisse vite prendre par l’écriture efficace de G. Morris, qui utilise l’actualité et les dernières avancées de la technologie courante pour rendre son propos plus percutant.

Mais là où le roman prend une autre envergure, c’est avec l’apparition de Roger Lancel, un romancier de SF adoré par Cédric et que Christine appelle à l’aide, avant de tomber dans ses bras. Car Roger Lancel est l’auteur... des ouvrages de G. Morris ! Voilà une mise en abyme stimulante, qui permet de brosser un tableau autobiographique à la fois complaisant et cru, cynique, derrière lequel on devine sans peine l’ironie et le second degré. Roman de science-fiction, L’invasion silencieuse est donc aussi un roman sur la science-fiction : outre l’influence supposée du genre sur des adolescents influençables -un sujet tarte à la crème, qui s’applique aussi aux jeux de rôles, par exemple-, on peut y lire un éloge du film Planète interdite (ce qui ne peut que me réjouir), une critique de la fantasy ou une affirmation nettement plus discutable selon laquelle 1984 ne serait pas un livre de science-fiction... De même, la comparaison faite entre l’histoire et la SF, qui seraient tout aussi incertaines l’une que l’autre, pêche par son côté excessif et caricatural. Il n’en demeure pas moins que L’invasion silencieuse est un roman fort agréable.