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JE SUIS UNE LEGENDE
The Last Will*
samedi 29 décembre 2007, par
Francis LAWRENCE (1970-)
Etats-Unis, 2007, I Am Legend
Will Smith, Alice Braga, Charlie Taha
Avec le film de Francis Lawrence, n’eut été le récent L’invasion (2007), le roman de Richard Matheson, Je suis une légende était en passe de rattraper L’invasion des profanateurs de Jack Finney dans le palmarès des romans de SF les plus adaptés au cinéma. C’est en effet la 3e adaptation de ce best seller de la SF, dont la première remonte à 1964. Si l’on ne finit jamais d’adapter les classiques de la littérature, remarquons que dans la SF, chaque adaptation tend à se colorer selon l’air du temps à moins de faire un remake plan pour plan. Alors quoi de neuf ?
Conçu comme un vaccin contre le cancer, le Vk se révèle être un dangereux virus transformant les êtres vivants en des bêtes sauvages hyper-agressives, photophobes et totalement glabres quand il ne les tue pas. Aisément transmissible, sa diffusion malencontreuse à New York condamne à la mort 90% de la population terrestre en dépit de la vaine tentative d’isoler Manhattan du reste du monde, et à la maladie 9 autres pour-cent. Parmi le pour-cent restant, qui forme la population humaine naturellement immunisée, figure le lieutenant-colonel Robert Neville, biologiste au service de l’armée, qui choisit de rester dans Manhattan pour trouver un remède. Pendant trois ans, il vit seul en compagnie de sa chienne Samantha, sûr d’être un des rares survivants au Vk. Sa vie s’est organisée entre expériences médicales qu’il mène dans son laboratoire particulier du 11 Washington Square et expéditions à l’extérieur destinées à lui procurer nourriture, carburant ou cobayes et à le distraire pour tromper sa solitude. Mais chaque jour, peu avant que la nuit ne tombe, il regagne son domicile où il se cloître en prenant bien soin de ne pas se faire remarquer des monstres. Jusqu’au jour où ceux-ci commencent à se montrer malins et à s’organiser...
Richard Matheson n’avait pas vraiment reconnu son roman dans The Last Man on Earth (1964), et encore moins dans Le survivant, l’adaptation de 1971. Le reconnaîtra-t-il dans celle-ci ? Car le film de Francis Lawrence emprunte de nombreux choix à celui de Boris Sagal : le personnage est un militaire, immunisé ; il est présenté en sauveur potentiel de l’humanité (certes, le Neville de Lawrence est résigné mais pas cynique comme l’est celui de Sagal). Que New York ait remplacé Los Angeles ne constitue qu’un détail pour le scénario. Pour autant, le film de Will Smith est aussi plus fidèle au roman que Le survivant. La présence du chien, la rencontre avec Anna, l’espoir d’une solution scientifique renvoient davantage au livre qu’au film de Charlton Heston.
L’inspiration provient aussi de la première adaptation réalisée en 1964 notamment en ce qui concerne les flashbacks familiaux.
Je suis une légende version 2007 apporte, comme beaucoup de films de notre époque, les moyens colossaux des blockbusters. Précisons ici qu’il ne s’agit pas seulement des créatures, plus violentes pour les besoins de l’action, mais aussi du tournage qui a pris place, pour une fois, sur le lieu réel de l’action : Manhattan. D’où des images extraordinaires des fameuses avenues abandonnées de toute vie, encombrées de voitures qui sont autant d’épaves et dont le macadam se laisse envahir par les mauvaises herbes. Quelques animaux échappés du zoo achèvent de rendre la Grande Pomme à l’état sauvage.
C’est tout ? Il faut aussi mentionner la relative humilité du scénario. Sans excès, ni dérive inutile, il mène son histoire à terme en un peu plus d’1 h 30. Que le héros soit un militaire, américain de surcroît, en gênera plus d’un bien évidemment qui argueront que cet emprunt au Survivant aurait pu être évité, ne serait-ce que par fidélité au livre ou pour ne pas s’échouer sur l’écueil de la gloriole, éviter un surhomme comme héros. Cependant ce statut joue un rôle dans le scénario. Le personnage campé par Will Smith sait être émouvant, rongé par la solitude, dans son équilibre entre la folie et le sens du devoir, différent du Neville - Charlton Heston.
Sans doute les références à Dieu, l’image finale sur l’église dérangera les spectateurs attachés à la laïcité, les fanatiques de l’athéisme et ceux de l’anti-religion. Faut-il encore et toujours rappeler que ce film est américain, tourné par des Américains, pour un public américain et que la société américaine n’a pas entièrement les mêmes fondements que la nôtre ? La morale ne baigne cependant pas le film de bout en bout et la concession à l’air du temps vient plutôt dans cette courte accusation portée envers l’humanité, désignée comme la seule responsable de ses propres malheurs.
La plus grande infidélité au livre réside cependant dans le rôle tenu par Anna qui n’est pas du tout l’équivalent du personnage de Ruth. D’où un ton en définitive beaucoup plus optimiste que le roman ou que l’adaptation de 1964. C’est sans aucun doute la principale concession au blockbuster.
Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, il faut reconnaître à Francis Lawrence un talent pour la mise en scène du suspens. L’angoisse monte progressivement, rive le spectateur à son siège. S’il n’était donc pas absolument nécessaire, ce Je suis une légende s’avère très efficace dans son genre et sans doute vieillira-t-il mieux que son prédécesseur.
Voir aussi :
The Last Man on Earth, Ubaldo Ragona & Sidney Salkow, 1964, avec Vincent Price.
Le survivant, Boris Sagal, 1971, avec Charlton Heston.
* la dernière volonté ou le dernier Will (Smith) c’est selon... Comment ? Mais non on ne vous prend pas pour des **** incultes en anglais, mais la loi Toubon oui !