Accueil > CINECSTASY > C > LA CONQUÊTE DE L’ESPACE
LA CONQUÊTE DE L’ESPACE
dimanche 16 décembre 2001, par
Byron HASKIN (1899-1984)
Etats-Unis, 1955, Conquest of Space
Walter Brooke, Eric Fleming, Mickey Shaughnessy, Phil Foster
A l’aube de la conquête spatiale, inaugurée par le lancement du Spoutnik soviétique en 1957, bien des romanciers (Arthur C. Clarke, pour ne pas le nommer, ou Robert Henlein) et des réalisateurs se laissèrent tenter par des anticipations à court ou moyen terme, sur les futures étapes supposées des pérégrinations de l’humanité dans le cosmos (Destination Moon en 1950 en reste un archétype). Cette Conquête de l’espace en est une bonne illustration, à des lieues d’une Planète interdite, bien plus imaginatif et audacieux.
En effet, le film relate -assez poussivement- le premier vol habité vers la planète Mars (sans d’ailleurs que des sondes semblent y avoir été envoyées au préalable, fort curieusement). Mais la première moitié du métrage est consacrée à la présentation des personnages, tous réunis à bord de la première station spatiale en orbite autour de la Terre. Son concepteur, Samuel Merritt, est le commandant de cette station, un curieux mélange d’ingénieur avant-gardiste et de militaire singulièrement borné, doublé d’une religiosité maladive, un mélange finalement assez peu crédible (comment concilier le désir de lancer l’homme à l’assaut des cieux et la peur d’enfreindre ainsi le couroux de Dieu, sinon en invoquant la folie ?).
A ses côtés, son propre fils, nettement plus posé, et toute une fine équipe de militaires, américains, bien sûr, mais d’origines diverses : retenons en particulier un Italien, rigolard et impulsif, comme il se doit, et un Japonais. Ce dernier se fend, au moment du choix des membres de l’équipage de la mission martienne, d’un plaidoyer fort intéressant pour la conquête spatiale, dans lequel il invoque la nécessité pour l’humanité d’aller chercher dans le cosmos les ressources nécessaires à son développement qu’elle ne peut plus trouver sur Terre ; il fait d’ailleurs une comparaison avec la situation du Japon qui tenta de la résoudre par la guerre, un précédent qu’il faut absolument éviter de reproduire. Finalement, le pays du soleil levant est censé racheter ses crimes par le biais de l’investissement de ce personnage (quid des bombardements atomiques américains ?).
On soulignera le fait que tous ces personnages sont des militaires, ce qui s’avère en l’occurrence être une bonne anticipation de la réalité, aussi bien du côté américain que soviétique, d’ailleurs. Mais le traitement de ce sujet se révèle bien vite assez conventionnel et ennuyeux. Après avoir assisté à la vie dans la station spatiale, on apprend que la mission en préparation, initialement annoncée comme ayant la Lune pour objectif, est carrément prévue pour se rendre sur Mars. L’équipage est donc sélectionné, et l’astronef part en direction de la planète rouge. Après avoir fait face à quelques problèmes (astéroïde à éviter, matériel à réparer), qui provoquent d’ailleurs la mort d’un des leurs, les astronautes parviennent enfin sur Mars.
Mais leur commandant, promu entre-temps général, succombe à un véritable délire religieux et tente de faire s’écraser le vaisseau. Finalement, ce dernier se pose tant bien que mal, et l’exploration de la planète peut commencer. Elle est censée durer un an, le temps nécessaire à un nouvel alignement favorable des planètes pour repartir vers la Terre ; mais on ne nous montrera que quelques jours de ce laborieux séjour. Un séjour rendu d’autant plus pénible que le général Merritt, après avoir tenté de faire sauter le vaisseau, s’est fait accidentellement tuer par son fils désireux de l’empêcher de commettre cet acte irréparable. Mahoney, le fidèle des fidèles de Merritt (ils ont fait bien des guerres ensemble), jure alors qu’il n’aura de cesse de faire passer le fils en cour martiale pour meurtre.
En fait, l’ennui du film provient surtout de l’absence d’une présence extra-terrestre, actuelle ou ancienne. Car il s’agit ici de hard science avant l’heure : aucun Martien à l’horizon, simplement une planète rocheuse, sujette à des séismes et même... à des chutes de neige, alors qu’il est bien précisé que Mars est sèche et dépourvu de la moindre eau. Comprenne qui pourra ! Il y a d’autres erreurs sur les caractéristiques de la planète, comme son ciel bleu et non rosé, mais elles tiennent sans doute plus aux ignorances scientifiques de l’époque... Par contre, les effets spéciaux du film ont plutôt mal vieilli, des transparences particulièrement visibles jusqu’aux décors rocheux, en passant par l’astronef en carton pate ; on saluera surtout l’effet d’apesanteur, assez bien rendu.
Finalement, les explorateurs parviennent à repartir tant bien que mal de la planète Mars, non sans avoir réussi à y faire pousser une plante terrestre... La conclusion est donc optimiste, un plaidoyer pour la conquête spatiale, censée permettre, malgré ses difficultés (ou grâce à elles, puisque l’équipage apparaît à la fin du film plus soudé que jamais), l’installation des hommes hors de leur sol natal. La morale est pourtant ambïgue, puisque Mahoney et Merritt junior, avec la complicité du reste de l’équipage, se réconcilient autour d’un mensonge : celui de la mort héroïque du général, qui sera la version officielle de l’Histoire. Une illustration probablement involontaire de la manipulation de l’histoire par les vainqueurs ! Un film très daté, assez peu marquant, et qui déçoit quelque peu de la part de celui qui, quelques années auparavant, avait très bien su mettre en scène La guerre des mondes de H.G. Wells.