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Aujourd’hui, demain et après

samedi 15 novembre 2008, par Maestro

Jean-Pierre ANDREVON (1937-)

France, 1970

Denoël, collection Présence du Futur, 288 pages, 1982.

Aujourd’hui, demain et après est le tout premier recueil de nouvelles d’Andrevon publié chez Présence du futur, juste après Les hommes-machines contre Gandahar. Réédité douze ans plus tard, il bénéficie d’une relecture linguistique, d’une nouvelle préface (remplaçant celle de Barjavel, de qui Andrevon dit le plus grand bien sans taire ses critiques, bien au contraire) et surtout de deux nouvelles supplémentaires, « Le Temps du grand sommeil » et « L’Homme qui fut douze ». Structuré en trois temps, ce recueil présente des textes d’une constante qualité, aussi bien formelle (un style simple sans être simpliste) que sur le fond. On y trouve déjà les grands thèmes de la carrière de l’auteur, l’écologie et l’antimilitarisme en particulier, avec toujours la crainte d’une guerre atomique en toile de fond. Mettons seulement à part deux récits de jeunesse, « Transfert », une histoire d’aspiration des âmes par une entité extra-terrestre qui tête aux mamelles de Rosny Aîné et Lovecraft, et l’anecdotique « Sans aucune originalité » (sic), ou le naufrage d’un vaisseau spatial dont le capitaine perdit la raison pour les beaux yeux d’une planète de diamant.

Pour l’antimilitarisme, il faut citer « Vue sur l’apocalypse », qui m’avait personnellement marqué dans ma jeunesse (lue alors dans le beau recueil La Lune était verte), et met efficacement en scène la paranoïa que peut engendrer l’assurance d’une destruction nucléaire généralisée ; « La réserve », premier texte publié d’Andrevon (en mai 68 !), réflexion tragique sur ce qui définit l’humanité, celle d’autrefois et celle de l’avenir, bouleversée par les conséquences des radiations ; et surtout « Un combattant modèle », récit terriblement grinçant et ironique sur les extrémités auxquelles peut conduire l’engagement comme combattant, au service d’une cause qui vous dépasse. Pour l’écologie, « Jerold et le chat », la plus courte nouvelle, est aussi une des plus incisives, parvenant à bien montrer la déconnexion entre une société de l’avenir hyper technologique et une nature marginalisée, tout juste bonne à être consommée comme n’importe quel autre produit.

Mais on trouve également dans ce recueil des textes qui se rapprochent davantage de l’âge d’or de la SF anglo-saxonne : le plus amusant est incontestablement « L’homme qui fut douze », pathétique trajectoire d’une expédition humaine expérimentant la possibilité d’installation sur une planète étrangère, planète dont l’écosystème virulent décime l’équipe qui finit, à force de greffes en tous genres, par s’unifier en un seul survivant. « Retour à l’œuf » est plus tragique, embrassant la nature même de l’univers et son évolution, vue à travers l’abandon de gardiens de plus en plus déshumanisés et qui ne peuvent s’opposer à l’intrusion d’autres univers dans l’ancêtre du nôtre.

Quant à « Le Temps du grand sommeil », datant de 1971, c’est sans doute la nouvelle la plus explicitement politique. Il faut dire qu’Andrevon y met en scène les assassinats de Sartre, Hallier et Godard, afin de frapper davantage les esprits par son tableau d’une France d’un très proche avenir, où toutes les forces de gauche ont été délestées de leurs forces vives et réduites à la clandestinité, où la seule opposition autorisée est celle de sa majesté, et où la plupart des gens préfèrent sauvegarder leur famille et leur petite vie plus ou moins confortable plutôt que de s’engager dans une résistance potentiellement révolutionnaire ; ainsi qu’il l’écrit, « (...) écrire, c’est déjà une action. (...) C’est un acte dialectique, qui ouvre sur l’action. (...) ils pouvaient faire germer le doute, ils pouvaient réveiller, ils pouvaient donner à penser » (p.74). Dans un registre similaire, « Bandes interdites » imagine une société où les bandes dessinées, comme toute forme d’expression artistique et critique libre, sont interdites au profit d’une Culture érigée en dogme mais vidée de sens.

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