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Ciel lourd, béton froid

samedi 3 mai 2008, par Maestro

Anthologie

France, 1977

Kesselring, collection Ici et maintenant, 256 pages.

Ce premier recueil de nouvelles, au titre profondément poétique, inaugurait une collection aussi marquante qu’éphémère, celle que lança Bernard Blanc afin, comme il s’en explique en ouverture, de ramener la SF sur Terre et d’en faire une véritable « politique-fiction ». Le ton est donné dès la première page, la liste de « livres de SF à ne pas rater » comportant exclusivement des ouvrages militants (de Denis Langlois, Daniel Guérin...). Se plaçant en porte à faux vis-à-vis du Fleuve noir, considéré comme réactionnaire et complice de l’impérialisme, il prônait un développement de la SF purement française, pendant du retour au pays agité à l’époque. Non sans quelques défenses assez surprenantes, comme cette critique de la médecine trop chimique en vigueur chez nous, à laquelle il faudrait préférer acupuncture ou homéopathie... Bien sûr, ce manifeste n’évite pas les excès et les simplifications, telle chaque génération qui doit tuer le père pour s’imposer, mais qu’en est-il du jugement qualitatif concernant les textes eux-mêmes ?

Plusieurs, malheureusement, ont mal passé le cap des années. Jean Bonnefoy et ses « Echos logiques », au ton légèrement surréaliste, se révèle ainsi trop ancré dans le présent, avec des références désormais vieillies, même si son accusation d’un Etat ayant le goût du secret, se défaussant de ses responsabilités dans le cadre d’une explosion de centrale fabriquant des produits chimiques et méprisant la population, conserve une certaine actualité. Pire, « L’océan est une mitrailleuse spleenétique », de René Durand, est difficilement lisible, excessif et chargé, jouant de manière bien trop poussée la carte du sexe et de la violence. Plus cohérent, « L’opération », de Pierre Ferran, demeure trop obscur, tandis que Blanc, avec Christian Vila, livrent « Demain j’intoxique », un récit inspiré de l’itinéraire de la RAF, mettant en scène, en une anticipation à (très court) terme, la lutte armée dans les pays développés comme unique moyen de résistance. Quant au bref texte d’Yves Frémion, un brin naïf, il met en scène un collectif mutant s’opposant assez gratuitement aux forces de l’ordre...

On lui préfèrera la nouvelle « Les communes » de Philippe Curval, courte exaltation de communes anarchistes, permettant l’épanouissement des relations sociales à échelle humaine, face aux grands ensembles et aux villes anonymes, glacées. De même, «  Le lisdé a encore frappé », de Muriel Favarel -alors compagne de Bernard Blanc-, dénonce à la fois les cadences infernales, la volonté d’augmenter la productivité en usine au détriment des salariés, et la couverture offerte par l’Etat aux dirigeants de ces mêmes entreprises. « Pauvre chicon », signé Michel Jeury, imagine, en marge de ses réflexions sur le temps chronolytique, avec une jolie mise en forme sans ponctuation des pensées d’un drogué, une société dans laquelle les chômeurs, inactifs et autres marginaux et exclus, sont parqués dans des camps et soumis à une piqûre régulière destinée à adoucir leur misère et éviter toute révolte. Jean-Pierre Hubert, lui, préfère dénoncer « la société du spectacle », qui, non contente de faire travailler les gens jusqu’à 70 ans (sic), va jusqu’à inventer des profils criminels afin de satisfaire les bas instincts de la populace ; dans « Le bon profil », la résistance est seulement individuelle et surtout sans lendemain, suicidaire. De même, Daniel Martinange dans « Le ciel est bleu, l’air est calme » matérialise les clichés racistes et sexistes les plus vils, au service d’une consigne gouvernementale, celle de pouvoir tuer son prochain une heure durant, afin de résoudre la surcharge démographique. Un des meilleurs textes est cependant «  Je ne veux plus jamais être un enfant », de Pierre Marquer, sobre et tout en retenue, qui terrifie par son exposition évidente et progressive des terribles conséquences sur la reproduction humaine d’un accident nucléaire et du nuage qui s’en échappa

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