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La guerre éternelle

dimanche 1er mai 2005, par von Bek

Joe HALDEMAN (1943-)

Etats-Unis, 1974, The Forever War

La guerre du Vietnam a fortement marqué les Américains (traduction pour les anti-américanistes quelque peu primaires : les Etatsuniens) parce qu’elle a été une guerre mortelle (bien sûr), une guerre lointaine, une guerre interminable et, progressivement, une guerre incomprise. Depuis Les bérêts verts (J. Wayne, 1968) à Né un 4 juillet (O. Stone, 1989) en passant par Apocalypse Now (F. F. Coppola,1979)et Full Metal Jacket (S. Kubrick, 1987), le cinéma en porte l’empreinte, mais il ne la porte pas seul : la S.F. est aussi influencée au point d’attribuer plusieurs prix prestigieux à La guerre éternelle. (Si ça ce n’est pas une intro pédante, je mange ma casquette... dès que j’en aurai achetée une.)

A la fin du XXe siècle, l’Humanité a découvert le saut collapsar lui permettant de franchir en un clin d’œil pour les voyageurs des distances faramineuses. Cette rapidité est cependant toute relative et il peut s’écouler pour ceux qui ne voyagent pas quelques dizaines, voire quelques centaines d’années avant que les voyageurs ne parviennent à leur destination. Par la même occasion, l’Humanité découvre, lors d’une échauffourée dans la constellation du Taureau, une race extraterrestre qu’elle baptise du nom de Tauran. Avec toute la diplomatie qui caractérise l’humain, l’échauffourée devient une guerre et, sous l’égide de l’O.N.U., se constitue une Armée d’Exploration des Nations Unies (A.E.N.U.) dont la mission est de protéger les sorties de collapsar et d’éradiquer la menace taurane. Faisant partie de la première section de conscrits, William Mandella se retrouve engagé dans la guerre dès son commencement, une guerre mortelle (bien sûr), lointaine et donc éternelle compte tenu des collapsar, et incomprise (enfin pour ceux qui prennent le temps de réfléchir et ont échappé au conditionnement psychique).

Au travers de son récit, c’est à une dénonciation de la guerre dans tout ses aspects que se livre Joe Haldeman. Guerre spatiale, la guerre éternelle est une guerre technologique qui se déroule sur des planètes hostiles (métaphore de la jungle vietnamienne ?) où la survie normale est déjà un problème. Aussi les soldats sont-ils dotés de combinaison aussi performantes que fragiles avec lesquelles tendre le doigt suffit pour pulvériser un rocher et tomber en arrière suffit pour se faire pulvériser. Bien évidemment, la technologie évolue avec le temps, et alors que Mandella monte en grade, ce sont davantage les bombes nova et les champs de stase qui sont mis en avant, toutes armes extrêmement destructrices (métaphore de la guerre technologique donc destructrice).

Ces soldats qui se battent à des années-lumières de chez eux sont donc aussi coupés de la réalité quotidienne terrestre, de la vie normale. D’une part, ils vivent en permanence dans le cadre militaire ; d’autre part, ils ignorent largement l’évolution de la Terre. Ainsi lorsque Mandella achève sa première période, il découvre une planète dont les villes ont largement évolué, devenues des constructions massives et immenses, des cités globales. Par la suite, la société terrestre se fond en une entité collective après être passée par l’expérimentation de l’individualisme homosexuel. Reflet d’une vision négative de l’avenir par l’auteur ou appel à la solidarité absolue ?

La guerre éternelle apparaît donc aussi marquée par les questions existentielles de son époque. Ainsi les conscrits ont adopté une sexualité plus libertaire que libérale, et se pose le problème de la généralisation de l’homosexualité. Sur ce sujet, on pourra apprécier ici le retournement (sic) de situation faisant de l’hétérosexualité une marginalité. Un autre thème majeur développé dans le livre est celui des drogues dont est fait en partie l’apologie, du moins pour le cannabis, tout en percevant bien leur danger en tant qu’instrument de contrôle du psychisme humain.

Paradoxalement avec son titre, La guerre éternelle est bien le livre d’une époque, influencée par le pessimisme quant à la bêtise humaine mais aussi portée par l’utopisme peace & love hippie. On peut comprendre que la fin du XXe siècle et le début du XXIe, qui redécouvrent quelques unes des préoccupations des années 60-70, redonnent une nouvelle vie à l’ouvrage. Reste que la dénonciation de la guerre apparaît très kitsch dans un monde plus habitué aux communications rapides et, partant, prêt à imaginer aussi bien la communication instantanée sur des distances intersidérales que le voyage supra-luminique.

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