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Nec Deleatur

nec fluctuat

samedi 9 août 2008, par Maestro

Frédéric DELMEULLE

France, 2007

Editeur indépendant, 502 p.

ISBN : 978-2-35335-106-0

Avec ce premier roman, Frédéric Delmeulle, chercheur en audiovisuel, effectue une entrée remarquée dans le paysage de la SF française. Comme Michel Pagel en son temps avec L’équilibre des paradoxes, c’est à un savant cocktail à base de voyages dans le temps que nous convie Frédéric Delmeulle. Plusieurs trames s’y entrecroisent. Le début du XXème siècle, tout d’abord, où deux journalistes anglais et français s’efforcent d’élucider les meurtres énigmatiques de trois frères tout en partant à la recherche de leur père, insaisissable personnage qui semble anticiper l’évolution historique afin de s’enrichir tout en opérant massacres sur massacres. Mais on est également confronté aux rigueurs arctiques au début des années 90, avec un fantôme d’URSS déliquescente, ainsi qu’aux premières décennies du XXIème siècle, où un procédé de voyage dans le temps a été mis au point.

L’originalité principale de celui-ci tient à son véhicule, rien moins qu’un sous marin nucléaire ! Son inventeur convie alors son neveu, Childéric Kachoudas (sic), à le suivre pour une excursion dans le passé de l’empire romain, à l’époque de la succession problématiques de Trajan. C’est à partir de ce moment du roman que le rythme s’emballe, devenant véritablement endiablé : on ne parvient plus à lâcher le livre, tant les rebondissements se succèdent. Les deux voyageurs risquent fort en effet de se perdre dans les continuums spatio-temporels, à grands coups d’interventions dans le déroulement historique et d’uchronies, jusqu’à s’échouer en plein milieu du XVIIIème siècle, tout cela sous l’œil de leur métacalculateur, incarné en un simulacre de Marlene Dietrich. Sans fioritures d’écriture, mais avec beaucoup d’ironie, Frédéric Delmeulle réussit à nous captiver, parvenant même à transformer les apparentes incohérences en rouages essentiels de l’intrigue.

De ce roman parfaitement maîtrisé, plusieurs réflexions sur l’histoire se dégagent. Outre une place développée de la violence, qui, en dehors d’une conjoncture contemporaine la privilégiant, s’explique par son rôle d’« accoucheuse de l’histoire » (dixit Marx), et une fascination pour le passé qui s’apparenterait à une fascination de la mort, on retiendra surtout l’idée selon laquelle le déroulement historique est d’une force immuable, une réhabilitation radicale du déterminisme qui solutionne par la même occasion le paradoxe de Barjavel du Voyageur imprudent. Sans oublier l’insistance mise sur la complexité de l’histoire, « traversée de zones d’ombre méconnues » et dont la version la plus couramment « admise est alors celle qui est immédiatement utile au présent et aux pouvoirs, celle qui justifie et légitime ce présent, et ces pouvoirs » (p.456). La version scientifique de l’histoire, la seule à saisir à bras le corps cette complexité, étant selon le principal personnage un « divertissement d’élite », un constat sans aucun doute partiellement vrai, mais qui rend d’autant plus nécessaire la vulgarisation de ce savoir pointu.

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