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Les lions d’Al-Rassan

dimanche 25 octobre 2020, par Maestro

Guy Gavriel KAY

Canada, 1995

J’Ai Lu, collection « Fantasy », 736 pages, 2005 pour la présente édition (1999 pour la première édition française).

J’ai découvert l’univers chatoyant et fascinant de Guy Gavriel Kay avec La Mosaïque sarantine, et en me plongeant dans ce roman écrit quelques années auparavant, je dois reconnaître avoir été encore davantage conquis par la prose du Canadien. Les Lions d’Al-Rassan est un chef d’œuvre de littérature, tout simplement.

Si l’arrière-plan est bien de fantasy, noms de pays, de peuples et religions étant subtilement autres (les simili-chrétiens adorent le soleil, les simili-juifs les deux lunes, et les simili-musulmans les étoiles), le fond est d’un profond réalisme, une fresque sensible et poignante des passions humaines. D’ailleurs, en dehors du pouvoir de divination d’un des personnages, aucune magie, aucun esprit dans le roman. Simplement des luttes de pouvoirs, des considérations politiques, et des histoires d’amour ou d’amitié transcrites avec le souffle de la vie authentique.

L’action se déroule en Espéragne (notre Espagne), alors que le mythique califat d’Al-Rassan poursuit un lent déclin. Les trois royaumes jaddites situés au nord de la péninsule n’attendent qu’une occasion pour reconquérir ces territoires jadis perdus pour leur foi (la fameuse Reconquista), d’autant que Guy Gavriel Kay évoque l’organisation d’une véritable croisade vers les terres ancestrales des sectateurs d’Ashar (notre Mohammed). La galerie de personnages est riche, associant déjà puissants et petites gens, ou disons gens du commun, femmes et hommes ; même dans des détails l’écrivain sait insuffler du souffle, ainsi de l’évocation de ce prophète kindath convaincu de l’existence d’une multitude de mondes, le monde premier étant celui du dieu suprême qui chapeauterait tous les autres....

A commencer par Jehanne, fille d’un grand médecin Kindath (nos Juifs) qui eut le malheur de perdre la vue en sauvant le nouveau-né du souverain local ; sa fille, devenue médecin, se trouve être le trait d’union entre Ammar Ibn Khairan, l’asharite poète, et Rodrigo Belmonte, le guerrier jaddite. Tous deux ont perdu des postes de pouvoir, tous deux se retrouvent exilés, et tous deux, en égaux, vont nouer une relation d’amitié impossible. Les liaisons qu’ils tissent, les drames qu’ils partagent, et leur rupture finale, sont autant de pages parfois bouleversantes.

Ce faisant, Guy Gavriel Kay ne se contente pas de chanter un pseudo paradis perdu (notre Al Andalous), il montre bien la complexité des enjeux de pouvoir, l’absence de tout manichéisme (le roi Raimundo, jaddite et éclairé, contraste avec le médiocre Almalik, du royaume asharite de Cartada – l’explication, qui ne vaut bien évidemment pas justification, des pogroms), tout en rêvant d’une possible entente possible entre religions antagonistes ; mais si les asharites d’Al-Rassan se sont pour beaucoup métamorphosés et ont transformé leur foi en un culte plus souple et plus ouvert, ils sont pris en étau entre les fanatiques jaddites du nord et les fanatiques asharites du sud, guerriers venus du désert africain… oh, pardon !

Quelques années avant le déferlement de la vague islamiste, c’était un message oh combien superbe et fragile… Lisez Les Lions d’Al-Rassan, et les cavaliers qui traversent ses pages hanteront pour longtemps vos songes.

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