Accueil > CINECSTASY > M > LA MALEDICTION

LA MALEDICTION

un mauvais présage

vendredi 5 janvier 2001, par Palplathune

Richard DONNER (1930-2021)

Etats-Unis, 1976, The Omen

Gregory Peck, Lee Remick, David Warner, Martin Benson, Harvey Stephen

Le cinéma aime aborder des sujets de façon cyclique. Ainsi, avant les années 1999-2000, la fin des seventies surfait déjà sur une vague mystico-religieuse. L’exorciste de William Friedkin en est l’exemple le plus connu, mais La malédiction est lui aussi un des fleurons de cette époque.

A Rome, l’ambassadeur des Etats-Unis apprend que sa femme vient d’accoucher d’un enfant mort-né. Désespéré, il accepte la proposition d’un moine de faire passer pour son fils naturel un enfant dont la mère est morte durant l’accouchement. Mais rapidement les événements étranges se multiplient : des morts inexpliquées, des réactions surprenantes de l’enfant ou de son entourage. L’ambassadeur commence à se demander si son fils "adoptif" n’en serait pas la cause.

A la différence de L’exorciste, La malédiction se place directement sur le terrain des mythes chrétiens. Il multiplie les références bibliques (réelles ou inventées, je ne saurais le dire, mon catéchisme étant trop loin), troublantes par leurs sens cachés. Elles donnent une base crédible aux événements du film et indique l’ampleur de l’enjeu réveillant les vieilles peurs mystiques qui sommeillent en chacun de nous. Plutôt malin, le scénario entretient l’ambiguïté sur les "accidents", conservant la porte ouverte aux explications logiques mais aussi à celles plus fantastiques. Mais cette ambiguïté ne dure hélas que la moitié du film. Manquant d’ambition thématique et de "folie", La malédiction a trop tendance à se rapprocher de la série B. A partir du voyage en Italie surtout, où la nature de Damien ne fait plus guère de doute, le reste du film ne fait plus qu’enchaîner des scènes prévisbles, même si elles n’en demeurent pas efficaces. Dommage que scénaristes et réalisateur ne se soient pas un peu plus foulés pour conserver le côté ambigu du début ou au moins réinjecter quelques idées originales à cette seconde partie, cela aurait rendu La malédiction d’un niveau supérieur, tout le film étant un peu trop prévisible et structuré. Les scènes de "meurtres / accidents" perdent de leur impact sans la surprise et dévoilent la structure série B du film (c’est-à-dire une intrigue construite pour aligner quelques scènes fortes sans rechercher de profondeur) qui était camouflée dans la première partie.

Etonnament, La malédiction est l’oeuvre d’un cinéaste encore débutant (du moins au cinéma mais pas sur le petit écran !) : Richard Donner ! Oui, oui, celui de Superman (1978) et des Armes fatales (1987 et sq) ! Sans génie, il met l’histoire en images de façon professionnelle et connaît même des bouffées d’inspiration subites sur quelques scènes (la mort de la nounou, la scène du cimetière, l’accident de Lee Remick...). Si le réalisateur est nouveau, ce n’est pas le cas des acteurs : le déjà vieillissant Gregory Peck (un choix qui renforce le côté série B du film) offre une prestation honorable entouré de Lee Remick et du futur vétéran David Warner.

Mais ce qui décuple l’efficacité du film, c’est sa musique. De façon générale, l’importance de la musique dans un film est sous-estimée (et je parle de la vraie musique de film, pas les fausses B.O. remplies de groupes à la mode !) Imaginez Star Wars ou Alien, sans leurs musiques et vous comprendrez qu’au cinéma cela représente 50% de l’impact. Hélas, peu de réalisateurs s’en rendent compte (Kubrick ou Lynch font partie des exceptions), il appartient donc aux compositeurs de faire des miracles pour occuper la place qui leur revient de droit et sublimer les films. Et dans La malédiction, le vétéran Jerry Goldsmith a accompli un travail titanesque. Sa partition est un véritable opéra satanique, mélodieux et inquiétant. Pas étonnant qu’il gagne l’oscar pour ça et que depuis chaque film illustrant le satanisme n’ait pas osé placer ses musiques sur le même terrain (voyez le récent La fin des temps qui choisit une approche plus moderne au synthétiseur, beaucoup moins efficace accessoirement). Grâce à cette partition, le film prend une ampleur supérieure passant du statut de spectacle honorable à celui d’oeuvre culte.

Et surtout il y a la scène finale ! Un petit bijou qui justifie presque à elle seule toute la vision du film. Pour ceux qui n’aiment pas les happy ends, c’est un régal. Mais jugez par vous-même : incapable de tuer sans hésitation son fils adoptif, l’ambassadeur Thorn se fait abattre par la police. A son enterrement, le président des Etats-Unis, un de ses amis proches, et son épouse restent se recueillir sur sa tombe, l’enfant entre les deux. La caméra se rapproche lentement de l’enfant. Celui-ci se tourne face à elle, en gros plan. Une expression triste sur le visage se transforme lentement en un sourire satisfait. Fin sur fond d’ave satani. Faire sourire un enfant à l’enterrement de ses parents : il fallait le faire ! ça frise carrément la subversion et illustre bien la puissance du mal que peut camoufler le masque de l’innocence. Cette conclusion est aussi un brillant parallèle avec le générique du début où l’ombre de Damien fait apparaître la croix inversée. Grandiose, je vous le dis ! De telles idées ont rarement été égalées par les oeuvres abordant le même thème.

En conclusion, on peut dire que La malédiction est une agréable série B transcendée par sa musique et par de brusques bouffées d’inspiration.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions'inscriremot de passe oublié ?