Accueil > TGBSF > P- > Planète à gogos et Les gogos contre-attaquent

Planète à gogos et Les gogos contre-attaquent

samedi 20 septembre 2008, par Maestro

Frederik POHL (1919-2013) et C.M. KORNBLUTH (1923-1958)

Etats-Unis, 1952, The Space Merchants et 1984, The Merchant’s War

Denoël, coll. "Folio SF", 2008, 592 p.

Traductions françaises originelles de 1970 et 1985

ISBN : 978-2-07-034674-5

Classique de la SF, Planète à gogos, au double sens sympathique en langue française, fait partie de ces livres majeurs, tant le regard critique qu’il jetait sur la société étatsunienne du début des années 50 n’a pas pris une ride. La liste des anticipations validées par le temps est impressionnante, de l’écran de télévision plat à la nourriture de synthèse industrielle en passant par l’hypnotéléviseur (sic), sans oublier la pollution qui touche jusqu’à l’air des villes, obligeant à porter des filtres respiratoires, et son corollaire, le développement d’un vaste mouvement écologiste, qui n’hésite pas à recourir aux attentats. Tout au plus notera-t-on ici ou là quelques erreurs de perspective compréhensibles, telle l’explosion démographique généralisée. Le personnage principal, Mitchell Courtenay, est un cadre reconnu de la plus grande entreprise publicitaire du monde, pour qui la réussite sociale et l’image correspondante sont tout. Chargé de la nouvelle campagne de la firme, visant à faire de Vénus un nouveau marché juteux, il se retrouve finalement rabaissé au rang de simple consommateur, ce qui lui permet de découvrir l’envers du décors, essentiellement l’exploitation forcenée d’une main d’œuvre liée à l’entreprise qui l’emploie par des contrats léonins. Outre ses efforts pour retrouver son rang, le roman est sous tendu par sa relation avec Kathy, avec qui il était lié par un mariage provisoire d’un an… L’ensemble est mené tambour battant, avec un ton second degré irrésistible de la part du narrateur (la publicité comme héritière de la poésie lyrique !). Tout le développement ultérieur de la publicité, jusqu’à devenir un véritable pouvoir totalitaire, est contenu dans Planète à gogos, addiction artificiellement créée pour attacher les clients à un produit, aliénation générale, pouvoir finalement supérieur à celui des sphères politiques, jusqu’à une perception passant par tous les sens. Certes, on pourra objecter que les guerres entre entreprises, qui se soldent par de véritables morts de personnels, sont un excès caricatural, mais comment ne pas y voir une parabole sur les ravages des lois de la concurrence capitaliste ? Seule la dernière partie du roman déçoit, le changement venant de l’intérieur, grâce à la prise de conscience de celui qui devient finalement un important dirigeant, un quasi deus ex machina frappant surtout par sa facilité. Cette nouvelle édition se voit complétée par trois chapitres inédits en français : il s’agit en réalité du prolongement du roman, tel qu’il était paru en épisodes durant l’année 52, avec la terraformation de Vénus ; au passage, les écologistes ne sont finalement pas épargnés, puisqu’ils reproduisent, à peu de choses près, le massacre des Indiens en Amérique par Vénusiens interposés.

Une trentaine d’années plus tard, Frederik Pohl décide de donner une suite qui se place près d’un demi siècle après Planète à gogos. Le narrateur est de nouveau un cadre publicitaire, Tennison Tarb, qui suit d’ailleurs un parcours assez proche de Courtenay. Initialement en poste à l’ambassade terrienne sur Vénus, il se retrouve mal noté et connaît une véritable descente aux enfers à son retour sur sa planète natale, étant même victime d’une addiction à une boisson du fait de sa publicité. Son ancienne maîtresse bascule parallèlement du côté des écologistes, et lui échoue à remonter la pente, en dépit de ses efforts sur les marchés lucratifs de la religion et de la politique. Finalement, après un passage par l’armée, il finit par faire cause commune avec la cinquième colonne vénusienne dont le but est de faire cesser les ingérences terriennes. Autant Planète à gogos apparaissait prémonitoire, autant cette suite ne parvient pas à faire preuve de la même pertinence : la publicité qui y est mise en scène n’est qu’un succédané, avec quelques prolongements seulement (la mort, secteur commercial comme les autres, ou la contamination des peuples les plus reculés du globe par la fièvre acheteuse), la réalité ayant entre-temps rattrapé la fiction. Quant au final, il apparaît très marqué par l’époque de rédaction : la position de Tarb, une neutralité bienveillante visant à la réconciliation entre Vénus, dont le refus du profit la rapprocherait de l’URSS, et la Terre capitaliste invite clairement à y voir comme une projection de l’opposition des deux blocs. Remarquons toutefois que les moyens mis en œuvre par Tarb afin d’éveiller les consciences se révèlent moins élitistes, bien que leur rapidité d’action sur une société censément profondément aliénée semble fort naïve. Alors bien sûr, la lecture de cette suite demeure agréable, mais elle ne fait clairement pas le poids face à sa devancière.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions'inscriremot de passe oublié ?