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Morbidezza, inc.

samedi 20 septembre 2008, par Maestro

Daniel WALTHER (1940-)

France, c.1993

Black Coat Press, collection Rivière blanche, 2008, 220 p.

Ce roman de Daniel Walther date en réalité d’un peu plus de quinze ans (voire davantage, le contexte géopolitique étant encore marqué par l’opposition entre les Etats-Unis et l’URSS), la préface de l’auteur ayant été rédigée pour sa part en 1993. L’intrigue, située en plein cœur des Alpes suisses, dans un grand hôtel réquisitionné pour la circonstance, tourne autour des expériences de mort imminente. Les puissances occidentales ont en effet financé un groupe scientifique afin de travailler sur des personnes ayant vécu des traumatismes de ce type. René Sturni est un militaire du cru chargé d’assister ses collèges étatsuniens, qui voit dans une des cobayes, Pennymary Farmer, le fantôme d’un amour trop tôt disparu. Mais rapidement, tout commence à déraper, entre frénésie charnelle et délire de militaires… Fallait-il vraiment réveiller les ombres des trépassés ?

Tout au long d’une histoire au déroulement somme toute assez classiquement linéaire, on retrouve la plume caractéristique de Daniel Walther, ampoulée et précieuse, génératrice de visions onirico-poétiques, fulgurances torves, hallucinations rutilantes, et toujours marquée par un travail sur la forme (à travers l’utilisation des majuscules, en particulier). Sans oublier la place du sexe, intense en même temps que mortifère. Au-delà (sic) d’une critique assurée de l’essor des fanatismes religieux (chrétien comme musulman, logiquement renvoyés dos à dos), Walther offre une interprétation de la vie après la mort à mille lieux des récits chaleureux et rassurants de certains « revenants », dans une veine inspirée du meilleur Lovecraft. Cette combinaison de la forme et du fond fait de Morbidezza, inc. un roman nettement au dessus de la moyenne, une belle démonstration du talent souvent méconnu de Daniel Walther.

Deux nouvelles complètent l’ensemble, qui toutes deux prennent place sur une Terre à la limite du fantastique, confirmant l’exigence de l’écriture façon Walther. « Les plans du labyrinthe » est la plus abstruse, marquant l’intérêt de l’auteur pour la mythologie gréco-romaine, avec la réutilisation du labyrinthe du roi Minos. On peut bien sûr y voir comme une critique du système hypocrite de la prison dans nos sociétés contemporaines, mais la forme a quelque peu tendance ici à l’emporter sur le fond. « Orchidées » semble plus convaincante, malgré un point de départ pour le moins curieux, l’interdiction du téléphone, qui renseigne surtout sur sa probable date de rédaction (avant l’internet, donc, le téléphone étant ici le parangon de la communication). L’itinéraire de Jean Canter, balotté par ses supérieurs et les démons issus de son passé, est ainsi une belle métaphore sur l’aliénation de la religion et la destruction des civilisations amérindiennes.

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