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Le drame de l’an 3000

dimanche 29 juin 2008, par Maestro

Aimé BLANC

France, 1946

Le romancier Aimé Blanc, relativement oublié aujourd’hui, est à rapprocher d’un Ernest Perochon. Voilà en effet un écrivain spécialisé dans le roman de terroir, qui s’essaye à la science-fiction par le biais d’un unique livre. L’avenir qu’il imagine, celui du 31ème siècle, est celui d’une société modernisée, où le travail n’occupe que deux heures quotidiennes, où les trottoirs sont roulants, les véhicules électriques, le climat contrôlé et les voyages longue distance basés sur la transmigration des âmes, avec changement d’enveloppe corporelle à la clef ; une vision bien idéaliste, mais qui fut déjà exploité avec davantage de brio par Maurice Renard (Le docteur Lerne, sous dieu). Son personnage principal, historien, s’efforce pourtant d’élucider un mystère sans la résolution duquel l’humanité, réduite à cent mille individus, risquerait de disparaître : celui de la reproduction. Peu après l’an 2000, en effet, la découverte de l’immortalité (à l’exception de tout accident) a conduit l’ensemble des habitants à opter pour un corps masculin, censé être plus résistant… Une vision particulièrement misogyne des choses, qui fait fi entre autre de toute sexualité féminine, par exemple. De plus, la catastrophe de 2222, un suicide mutuel des nations à grands coups d’armes de toutes sortes, a détruit la plupart des traces d’un passé où existaient encore femmes et enfants (on peut cependant s’interroger sur la validité d’une immortalité oublieuse de la nécessaire reproduction de l’espèce…). D’autant que ces hommes de l’avenir, concentrés dans les villes, assez méprisants à l’égard de la nature, et qui se nourrissent surtout de pilules, font face à un ennui pouvant conduire au désespoir et au suicide. Aucune sexualité, cependant, malgré une attirance homosexuelle occasionnelle qui ne dit pas son nom, et dont l’hypocrisie trouve son sommet avec le transfert d’esprit subi par Soyer à la fin du roman...

Basé sur une narration très classique, et apparaissant ainsi comme la queue de comète du merveilleux scientifique, Le drame de l’an 3000 met en scène des personnages un peu trop simplistes, les gentils intellectuels (en particulier Jean Léone, l’historien) et le méchant scientifique, Hermann, pourvu d’ailleurs d’un nom aux consonances germaniques… Il se rattache également au pessimisme d’avant-guerre par sa critique des conflits et de leurs ravages, accrue d’un fatalisme marqué : « Trop longtemps bridé, le véritable instinct de la bête humaine se redonnait libre cours et refaisait surface son atavique amour de la querelle », « (…) rien autre que la fatidique et traditionnelle imbécillité des hommes ne pouvant s’empêcher de se donner des chefs et de les suivre dans leur folie d’hégémonie… » (p.227-228). Aimé Blanc rejoint ce faisant les conclusions de bien de ses prédécesseurs et successeurs, en terminant son récit par la survivance d’un couple, retourné à l’état de nature, le conservatisme sous jacent (« Cette nouvelle vie leur plaisait et ils avaient atteint à la sagesse suprême, celle qui consiste à se satisfaire de la vie que l’on mène », p.248) étant ici doublé d’un christianisme béat, occasion de mettre Dieu en scène et de proposer un ultime retournement de sens.

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