Récits de la Grande Explosion

Julia VERLANGER (1929-1985)

France, 2008

Bragelonne, collection "Les Trésors de la SF", 576 p.

Après La Terre sauvage, premier volume de cette intégrale annoncée de Julia Verlanger, auteur trop vite disparue, voici donc un nouveau recueil de quatre romans parus dans la même séquence chronologique, à savoir la seconde moitié des années 70, les trois quarts au Fleuve noir sous le pseudonyme de Gilles Thomas. La seule incartade est aussi la seule nouvelle de l’ensemble, puisque «  Les gladiateurs » date de 1958. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser accroire, il n’est guère question ici d’holocauste atomique, des explosions de ce type n’apparaissant qu’en arrière plan des Portes sans Retour …

A travers ces récits, on retrouve les épreuves d’un homme, prototype du héros, viril, mâle, confronté à l’adversité, et qui s’adonne avec délice aux plaisirs de l’accouplement. Les Portes sans Retour illustrent bien cet itinéraire initiatique, puisque Gyall, pilote spatial, se retrouve aux côtés de la séduisante héritière Missie Oléone à braver les dangers successifs que cachent les fameuses portes sans retour. Artéfacts installés par un créateur inconnu, elles ouvrent sur des mondes alternatifs successifs (dont une France du milieu du XXIème siècle surpeuplée, soumise au joug d’un dictateur néo fasciste), qui sont autant d’occasions de tester l’intelligence et la force de ceux qui osent les braver. Le dénouement, qui entretient à plaisir le flou, est une délicieuse critique de la divinité…

Avec Les Hommes marqués , des survivants d’une guerre menée sur Terre pour la liberté se retrouvent esclaves, et la reconquête de leur individualité passe par la réussite de trois épreuves sur Dernière Chance, une planète aux marges de la légalité. Ils y vivront le passage à un stade de quasi surhomme, leur permettant de mettre toutes leurs forces nouvelles au profit de la Résistance. La Jungle de Pierre est plus classique, un marginal, pilote spatial en recherche de spéculation, se retrouvant en quête d’argent, d’abord dans le cadre d’une arène, puis entraîné dans une expédition proche du Voyage au centre de la Terre, avec à la clef des cristaux de première valeur.

Enfin, Horlemonde est également un récit de révolte contre une société de castes sur une lointaine planète, à travers deux bagnards, l’un originaire de la Terre, l’autre autochtone, ancien voleur déchu. Quant à la courte nouvelle « Les gladiateurs » , sous des allures plutôt amusantes, elle met en scène une véritable démarche coloniale de la part de ces deux spationautes qui n’ont qu’une seule idée, réussir à soustraire un grand nombre de pierres précieuses à une espèce nettement inférieure technologiquement.

A travers tous ces récits de space opera, on sent tout ce que l’Antiquité a eu comme influence sur les aventures mises en mots par Verlanger : succession d’épreuves telles qu’en vivent les héros grecs ( Les Portes sans Retour , ou les enfers d’Hadès), révolte d’esclaves contre un pouvoir impérialiste (le chef de la Résistance dans Les Hommes marqués se nomme d’ailleurs Spartacus), combats dans l’arène et recherche d’une mythique jungle de pierre abritant des joyaux, nouveau jardin des Hespérides, mœurs dissolus d’une cour impériale, bagne de l’Argolide (sic) gardé par les hydres de Lerne (re-sic), plante miracle source d’immortalité (à l’instar de celle que cherchait Gilgamesh), pseudo Olympe dont les protagonistes de Horlemonde dévoileront toute la duplicité… On est donc légèrement au-delà d’une vision toujours relativement individualiste, anarchiste de droite, quand bien même un certain fixisme social semble être de mise (criminel ou dictateur ne sont pas vraiment responsables de leurs crimes, dans la mesure où ils étaient programmés pour le devenir…) ; la misanthropie affleure même parfois, ainsi dans Horlemonde .