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L’adieu des industriels
samedi 5 septembre 2009, par
Maxime BENOÎT-JEANNIN (1946-)
France, 1980
Kesselring, coll. "Ici et maintenant", 368 pages.
Paru en 1980 mais rédigé deux ans auparavant, L’adieu des industriels est le second roman de SF signé Benoît-Jeannin, après La Terre était ici. Dans un avenir que l’on devine proche, le monde est divisé en deux blocs. A l’est, la zone dominée par une Chine toujours dirigée par la bureaucratie « communiste », dictature dite du prolétariat. A l’ouest, une zone capitaliste, qui s’inspire des dictatures d’Amérique latine à la Pinochet, est gérée de mains de maître par le président du CMPC (Conseil mondial du patronat chrétien), réfugié dans un complexe hyper sécurisé situé sous le ballon d’Alsace, dans une région contaminée suite à des accidents de centrales nucléaires (une énergie par conséquent abandonnée). Anticipation des politiques néo libérales ayant pris leur essor dans les années 80, les individus, intensément exploités dans le cadre d’un véritable féodalisme industriel, ne sont pas pris en charge s’ils ne travaillent pas, toute protection sociale ayant disparu. L’URSS a cédé la place, envahie par les forces occidentales, et le mode de vie qui y règne est désormais celui de l’ american way of life .
Dans cet univers dictatorial, fasciste et totalitaire, des personnages divers (le bouffon officiel du bourgeois en chef, un ancien soldat de l’armée d’invasion de l’URSS) vont chercher à sortir d’un quotidien conformiste et fermé d’avance ; ce faisant, ils vont verser dans la lutte armée contre les pouvoirs en place. Dans ce roman, les « terroristes » sont en effet ceux qui ont anticipé l’évolution vers l’autoritarisme, ce qui a entraîné leur liquidation par les sociaux-démocrates (à l’image de Noske et de Spartacus), avant que ces derniers soient eux-mêmes supprimés par l’extrême droite. Mais nourrie par l’oppression, la révolte suscite de nouvelles recrues, à l’image de la ligue des athées ou de l’organisation des amis de la nature [1]. Ceux-ci ne sont pas sans faire penser aux populistes russes (sic) de la fin du XIXème siècle, avec leur pratique de l’exécution individuelle. Ce qui tendrait à rapprocher des auteurs comme Benoît-Jeannin, dans l’univers de la SF, de la mouvance autonome en politique. On croise également, autre fruit de la décennie d’écriture, une communauté féministe qui refuse toute cohabitation avec les mâles, pratique la rotation des tâches et défend les couples libres. Tout ce beau monde tentera de s’opposer au départ des élites dirigeantes (vues d’ailleurs de manière fort peu nuancée, en vieillards lubriques et pédophiles) à bord d’un vaisseau spatial, tant « (…) l’essor du vaisseau représentant le triomphe définitif du surprofit, du gigantisme d’une société destructrice » (p.308).
[1] « Les Amis de la Nature voyaient dans le capitalisme, depuis ses origines, le mal absolu, celui qui avait trafiqué la race humaine, qui l’avait réifiée sans pitié à mesure qu’il étendait son emprise mondiale. Le capitalisme classique, sans oublier ses dérivés et avatars : le capitalisme bureaucratique de la Zone-Est par exemple. Les responsables de l’exploitation planétaire, les assassins de la vie, avaient permis l’essor d’un progrès trompeur créateur de besoins aliénants qui, une fois satisfaits, laissaient l’être humain aussi vide et désespéré qu’avant. L’être perd le contact avec la réalité de sa propre nature à mesure que la marchandise se substitue à cette réalité. La marchandise tue l’humain. » (p.327).