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Le régiment perdu (1ère partie)

Mais où est donc passé le 35e régiment ?

samedi 5 décembre 2009, par von Bek

William R. FORSTCHEN (1950-)

Etats-Unis, 1990-1993

Le petit monde de la SF française, auteurs et éditeurs confondus, n’est pas volontiers réceptif à la SF militaire. Par dédain, idéologie ou simplement parce que les Français ne sont guère martiaux, le genre n’a pas planté son drapeau chez nous comme dans le monde anglo-saxon, plus réceptif, y compris dans d’autres domaines comme l’histoire. Il faut donc un certain courage ou une certaine confiance dans le microcosme des lecteurs belliludistes pour en publier, sous peine de voir les ouvrages réduits à des séries bas-de-gamme relevant de la littérature de hall de gare façon SAS. Avec la sortie cette année de Riposte, les éditions Bragelonne achève une première étape dans la publication de l’ensemble d’une série du genre.

Dans Ralliement, en 1865, le 35e régiment, commandé par le colonel Keane et formé de recrues du Maine, quitte le siège de Petersburg en Virginie pour être transporté par bateau, en même temps que la 44e batterie de New York, sur un autre lieu de combat en Caroline du Nord, mais le bateau n’atteint jamais sa destination. Une tempête, un tunnel de lumière, déposent le navire sur un rivage éclairé par un soleil rouge que remplacent la nuit venue deux lunes et une constellation qui n’est définitivement pas la Voie lactée. Progressivement, les Yankees découvrent que ce monde, Valdennia, est habité par des humains, issus de différentes origines de l’histoire, prélevés comme eux par une technologie que ne contrôlent plus ses inventeurs : des espèces d’ogres vivant en tribus itinérantes, à l’image des Mongols, faisant le tour du monde et qui régulièrement passent prélever un cinquième de ce qu’ils appellent le bétail dont ils se nourrissent : les humains [1]

Régnant par la terreur de leurs puissantes hordes mais divisés en tribus, ces Valdenniiens ont mis en place dans les différentes civilisations qu’ils dominent des potentats fantoches qu’ils exemptent du tribut contre son organisation. Autant dire que l’arrivée près d’une ville (Souzdal) peuplée de Russes dont le développement n’a pas évolué depuis le Moyen Age et où l’Eglise et les Boyards se disputent le pouvoir, de deux unités de la guerre de sécession bien équipées de fusils Springfield et de canons vient perturber cette belle organisation : d’une part les armes yankees attisent la convoitise des factions, d’autre part les idéaux américains font rêver le peuple opprimé qui seul fournit la chair du tribut. Moyennant leur force militaire et des évolutions techniques qui révolutionnent aussi la vie des Souzdaliens contre un gîte et des vivres, le colonel Keane et ses hommes s’installent dans l’ignorance de la situation.

La découverte de son existence rompt l’équilibre et entraîne une révolution démocratique qui pourrait bien se répandre, surtout après la victoire contre la tribu valdinienne des Tugars, puis l’alliance avec le pays de Roum voisin libéré aussi du joug au début de Rassemblement. La nouvelle république de Rous fait peur et une autre tribu de la Horde, (les Merkis), tente d’anéantir ce qui pourrait remettre en cause l’hégémonie des hordes, d’abord en s’appuyant sur un autre groupe humain doté d’arme moderne à l’instar des Yankees acquises grâce à des transfuges puis, dans Revanches en attaquant directement les deux Républiques soeurs, contraignant les Rous à abandonner leurs Terres pour réduire l’ennemi à la famine et mieux le vaincre dans Riposte.

Féru de la guerre civile américaine qu’il enseigne dans une université, l’auteur met bien sûr l’accent sur des combats rendus très meurtriers par l’emploi d’arme moderne - une leçon de la guerre de Sécession que l’armée française n’a pas retenue en 1870 comme en 1914-, mais aussi sur la logistique que requiert la guerre moderne et industrielle et tout particulièrement le chemin de fer. Les références aux faits et généraux de la guerre abondent mais ne sont pas toujours expliqués dans le premier tome au traducteur différent des trois suivants. Le lecteur qui trouverait les récits de combats ou les explications techniques un peu fastidieux aurait avantage à passer son chemin ou s’accrocher vigoureusement.

Il est patent que l’auteur est allé chercher son inspiration dans l’histoire : les hordes vivent comme des Mongols, prient un peu comme des musulmans et combattent comme des Zoulous quoiqu’à cheval de préférence. Les événements rappellent à loisir les batailles contre ces derniers, l’attaque allemande à l’Ouest en 1940, la guerre sur le front Est à partir de 1941 et bien sûr la guerre de sécession.

Ressort-il quelque chose de ce récit plein de bruit et de fureur, les allusions à Shakespeare ne manquant pas, en particulier à la pièce Henry V dans Riposte ? Il n’y a bien sûr pas d’apologie de la guerre mais au contraire la déshumanisation qu’elle entraîne occupe une large partie des atermoiements psychologiques des personnages. Trop peut-être car au final ceux-ci manquent un peu d’hétérogénéité. Il y a ainsi un peu trop de courageux et pas assez de lâches. Que Forstchen ait de plus fait de son personnage principal un professeur d’histoire manque singulièrement de modestie ou traduit un fantasme, par ailleurs exprimé par Keane, quelque peu mégalomane.

Néanmoins une question importante est posée : si toutes les guerres sont mauvaises, n’y a-t-il pas des guerres inévitables qu’il faut mener ? Question d’autant plus stupide que la série est une série de SF opposant des Humains guidés par un idéal prétendant à l’universalisme à des monstres anthropophages sanguinaires ? Voire. William Forstchen a eu la bonne idée de ne pas dresser un portrait totalement noir des hordes mais d’en faire un peuple doté d’un passé illustre, puisque leurs ancêtres sont à l’origine des tunnels qui ont échappé à tout contrôle et qu’ils sillonnaient les étoiles, d’une culture dont la différence double le conflit d’un choc culturel mais aussi d’une capacité de compassion et d’auto-critique. Ils sont très loin du gros barbare "moi vois, moi tue". Le récit n’est pas totalement manichéen en dépit du ressassement de l’idéal partiellement déformé d’une armée de l’Union se battant pour la seule liberté.

C’est d’ailleurs en partie à cause de la fréquente allusion à l’Union, mais surtout par son aspect technologique, que les romans de Forstchen peuvent faire penser à Jules Verne en général et à son Île mystérieuse en particulier. Il y a du Cyrus Smith dans ces romans, les explications scientifiques en moins.

Au terme de Riposte, l’auteur laisse suffisamment de portes ouvertes - la vieille technologie des hordes, le devenir de certains personnages - pour donner une suite (ce qu’il finit par faire quatre ans après) et surtout pour que le lecteur français espère que les éditions Bragelonne poursuivent leur traduction car la série compte à ce jour neuf volumes en V.O.

Tomaison Titre français 1ère édition française Titre original
1 Ralliement Bragelonne, 2007 Rally Cry !, 1990
2 Rassemblement Bragelonne, 2008 Union Forever, 1991
3 Revanches Bragelonne, 2008 Terrible Swift Sword, 1992
4 Riposte Bragelonne, 2009 Fateful Lightning, 1993
5 Pas de parution prévue Battle Hymn, 1997
6 Pas de parution prévue Never Sound Retreat, 1998
7 Pas de parution prévue A Band of Brothers, 1999
8 Pas de parution prévue Men of War, 1999
9 Pas de parution prévue Down to the Sea : A Novel of Lost regiment, 2000

[1Le parallèle que l’on pourrait établir avec le jeu Warcraft m’avait échappé lors de la rédaction de cette chronique. L’opposition entre humains et orcs ou ogres, les portails entre les mondes que leurs ouvertures soient aléatoires ou non constituent des éléments pouvant faire penser à une influence de l’un sur l’autre. Je me contenterai de souligner que le premier roman, Ralliement, a paru en 1990 et que le jeu de Blizzard date de 1994.

Messages

  • J’ai personnellement lu les 4 premiers tomes de la série et j’ai juste adorer !!! Cette histoire est superbe et je pensais au début qu’il n’y avait que 4 tomes, puis j’ai vu que non et j’ai été déçu d’apprendre qu’ils n’avaient pas été traduit et édité :(
    J’ai personnellement demandé des informations à Bragelonne sur leur page Facebook et voici ce qu’ils m’ont dit :

    Il ne faut jamais dire jamais, mais il est peu probable que la suite du Régiment soit publiée dans sa forme actuelle. Les ventes n’aurons pas été bonnes dès le début, que nous parlions de l’édition grand format chez Bragelonne comme de la réédition poche, qui ne s’est pas découvert de nouveau public. Le secteur de l’édition n’étant pas au meilleur de sa forme, il nous est difficile de convaincre notre banquier de pouvoir que la suite se justifie…
    Néanmoins, nous sommes en train de voir ce qu’il est possible de faire. Il y a notamment la piste de l’édition numérique que nous sommes en train d’explorer, mais la chose risque de prendre du temps.
    Je suis navré de ne pas être porteur de meilleures nouvelles. Nous ne sommes jamais fiers lorsqu’une telle situation se présente. Et malgré nos envies, il n’est pas possible de gagner tous les combats…

    J’ai été déçu mais ne désespère pas ;)

  • je possède les 4 volumes du régiment perdu .je voudrais bien lire la suite car c’est une série qui me plait énormément.( références a la guerre de sécession)
    j’espère que l’édition numérique verra le jour

  • Je viens de terminer de lire le volume double (Ralliement et Rassemblement)
    Je viens de voir sur le net s’il y a une suite et je vois qu’il y a encore Revanches et Riposte.

    Je vais essayer de les trouver pour continuer à lire cette histoire que je trouve très intéressante mais j’ai découvert aussi que malheureusement pour l’instant il n’y a pas de suite traduite en français et pas de date de prévue. Quel dommage

  • Je viens de faire une recherche et j’ai trouvé qu’il existe aussi des livres traduits en allemand que je sais lire. Après avoir lu la suite revanches et Riposte que je dois encore trouver, j’achèterai donc les livres de poche allemand pour la suite au lieu d’attendre une suite peu probable en français.

  • En fait je viens de me rendre compte qu’en Allemagne aussi tous les livres n’ont pas été traduits.

    1 Rally Cry (1990) - Der letzte Befehl (2005)
    2 Union Forever (1991) - Jenseits der Zeit (2005)
    3 Terrible Swift Sword (1992) - Die Rache der Horden (2006)
    4 Fateful Lightning (1992) - Der Feind im Nacken (2007)
    5 Battle Hymn (1997) - Gefangen auf Waldennia (2007)
    6 Never Sound Retreat (1998)
    7 A Band of Brothers (1999)
    8 Men of War (1999)
    9 Down to the Sea (2000)

    Les allemands ont en fait que traduit un livre de plus par rapport au français (jusqu’au 5) et aussi pour les mêmes raisons. Pas assez de ventes.

    Dommage, dommage !

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