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Dimension URSS

samedi 15 août 2009, par Maestro

Patrice LAJOYE (anthologiste)

France, 2009

Black Coat Press, coll. Rivière Blanche - Dimension n° 5, 300 p.

ISBN : 978-1-934543-70-2

Rivière blanche s’était ces dernières années distinguée en publiant des anthologies consacrées à la science-fiction espagnole ou latino américaine. Cette fois, c’est à la découverte d’un continent en grande partie méconnu que nous sommes conviés. Patrice Lajoye, chercheur au CNRS, rappelle justement dans son introduction les précédentes entreprises de recueil de textes science-fictifs soviétiques, auxquelles il convient d’ajouter les œuvres d’un Zamiatine, d’un Efremov ou des frères Strougatski. La dernière en date, Le livre d’or de la science-fiction soviétique, remonte tout de même à 1983 !

Quatorze nouvelles composent ce volume, dont deux seulement sont totalement inédites, les autres ayant vu leur traduction révisée. Elles couvrent en gros la période 1926-1984, mais avec une nette préférence pour les années 70 et 80. « La Terre. Scènes des temps futurs » de Valeri Brioussov est toutefois à la limite du hors sujet, puisque cette courte pièce de théâtre date de 1904. On y trouve en tout cas des accents tragiques proches d’un Rosny Aîné, à travers ce portrait d’une humanité à venir parvenue au bout de son cycle, reflet des doutes de la civilisation occidentale qui se conjugue avec le sentiment d’un fossé à combler entre l’homme industriel et la nature. Autre texte à mettre à part, « La station intermédiaire » de Valentina Soloviova, qui relève d’un fantastique presque absurde, une plaisante critique d’une société bureaucratique contrôlant ici jusqu’à l’avenir.

Si l’on essaye d’isoler ce qui caractérise cette science-fiction soviétique, on peut noter un didactisme souvent explicite, un optimisme parfois un peu forcé, qui laisse également la place à une certaine mélancolie. Un message est-il pour autant contenu dans chaque histoire ? Si « Au-dessus du néant » d’Alexandre Beliaev a tendance à mettre en garde contre les dangers de la science (avec en filigrane un souci éducatif encore marqué - on est en 1926), et si «  Un cheechako dans le désert » de Kir Boulytchov tend à conserver à l’humain sa prééminence sur l’androïde, l’humour domine largement « L’éveil du professeur Berne » (1956), signé Vladimir Savtchenko, au-delà du risque d’une troisième guerre mondiale, tandis que « Une dernière histoire de télépathie » (Roman Podolny) débute une réflexion prometteuse mais un peu courte sur le lien entre pensée et action.

La nature est au centre de « Sur un sentier poudreux » (Dmitri Bilenkine) et « Le pré » (Karen Simonian), avec la nécessité de la compréhension dans la première, ironique, et l’urgence de la préserver dans la seconde, poignante par sa chute. « Quels drôles d’arbres » de Victor Koloupaev est plus poétique, une façon d’atténuer les horreurs de la guerre, et « Pygmalion », à l’écriture délicatement ciselée par Vladimir Drozd, propose une méditation sur la vieillesse et la solitude tout aussi triste. Quant aux liens avec la propagande officielle, on les trouve surtout dans « L’astronaute » de Valentina Jouravliova, un texte de 1960 qui exalte le héros se sacrifiant pour le bien de tous, en l’occurrence un capitaine de vaisseau interplanétaire (on est alors en pleine course à l’espace), ou dans les deux nouvelles datant de la première moitié des années 1980, qui fustigent le risque d’annihilation totale entre les blocs. L’une d’elles, « Vingt milliards d’années après la fin du monde », est en outre une de celles dont les perspectives sont les plus vastes, avec une explication de l’origine de l’univers digne d’un Stephen Baxter.

Ce volume est en tout cas d’une qualité relativement constante, et prouve la valeur de cette science-fiction soviétique qu’il serait absurde de laisser dans l’oubli. En complément, plusieurs couvertures d’une revue du Komsomol sont reproduites, à l’occasion de la publication de nouvelles ou de romans de science-fiction dans certains numéros, laissant vagabonder l’imaginaire et suscitant des envies de lecture… On peut néanmoins regretter que l’anthologiste n’ait pas profité de l’occasion pour se livrer à un historique plus détaillé de la science-fiction soviétique, tentant de cerner ses caractéristiques propres, ses singularités, quand bien même sa postface pose quelques repères utiles. Manque également un dictionnaire des auteurs, plus développé que les seules présentations en début de chaque nouvelle.

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