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Compagnons en terre étrangère 1
samedi 7 novembre 2009, par
Jean-Pierre ANDREVON (1937-) (dir.)
France, 1979
Denoël, coll. "Présence du futur", 284 pages.
Initiative fort louable, ce diptyque voit Andrevon s’associer à douze camarades auteurs pour élaborer des nouvelles en duo. Si lui-même reconnaît l’inspiration d’Harlan Ellison, il revendique également sa part d’originalité, tant il est vrai que les partenariats choisis sont surtout représentatifs de la tendance engagée de la SF des années 70.
On retrouve ainsi les thèmes emblématiques de cette nouvelle vague. Avec René Durand, dans « Le pays des hommes au visage mort », l’utopie rurale, nomade, et les dangers du nucléaire civil. Le village décrit est en effet menacé à la fois par des chats mutants et par une bande de jeunes désœuvrés, lumpen prolétaires menés par un ancien militaire. Dylan, le troubadour, y expérimentera l’amour libre (couchant avec une mère et ses deux filles), et symbolisera surtout, par le biais de son adoration pour Bob Dylan, le trait d’union entre une humanité émancipée et une nature qui ne se laisse plus détruire sans réagir. « Ne me réveillez pas ! », avec Christine Renard, est en fait un large hommage rendu à l’univers de Michel Jeury, d’ailleurs nommément cité. Dans un monde urbain et triste, de plus en plus de gens cherchent l’évasion dans la chronocybine, une drogue qui emmène ses utilisateurs dans un monde onirique et idyllique. Finalement, face à une politique gouvernementale de plus en plus répressive, tout particulièrement à l’égard des révolutionnaires, ce monde devient la réalité alternative, y compris pour les révolutionnaires eux-mêmes, leur être spirituel parvenant à exister malgré la destruction de leur enveloppe charnelle : tous partent en quête de la Perte en Ruaba, laissant pourtant derrière eux des milliards de Terriens privés de chronocybine… Enfin, « Prima et les excentriques », co signée avec Pierre Christin sous forme d’un échange épistolaire, raconte la décadence de la dernière ville, Prima, et les pérégrinations de dissidents qui tentent de vivre dans un monde ravagé par la pollution et l’apocalypse nucléaire. Modèle totalitaire, artificiel, exploiteur, contre une vie dangereuse, où resurgissent les pulsions les plus égoïstes de l’humain : la conclusion, ouverte, laisse toutefois une place à l’optimisme !
Surprise, une des nouvelles a été écrite avec un inconnu, François Brugère : « Dossier T.M.3 », entièrement composé de faux documents (rapports officiels, enregistrements, coupures de presse), évoque la France du début des années 90, gouvernée par une coalition socialiste – écologiste – PSU. On y constate une situation inquiétante : la hausse du taux de masculinité dans certaines communes. Bien géré, l’ensemble vire de plus en plus au comique, pour un résultat très agréable, à défaut d’être inoubliable. Mais la collaboration la plus originale est certainement « Un p’tit tour à la Terre », puisqu’il s’agit d’une bande dessinée par Andrevon sur un scénario de Patrice Duvic, mettant en scène une réserve humaine et rurale au sein d’une planète devenue uniformément urbanisée. En fait, la nouvelle la plus décevante est « A la mémoire des en-je », écrite avec Michel Jeury. Une bonne partie du roman Le désert du monde y est en effet reprise, de manière condensée, certes, mais sans aucune surprise, seule l’explication étant œuvre de Jeury, une explication faisant passer le virtuel au réel, mais qui laisse en grande partie sur sa faim.