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Jennifer Gouvernement
<SUP>TM</SUP> ou <SUP>TM</SUP> pas.
samedi 24 octobre 2009, par
Max BARRY (1973-)
Australie, 2003, Jennifer Government
Calmann-Levy, 2004, 364 p.
ISBN : 2-7021-3496-3
L’externalisation des fonctions publiques, telles que la police ou l’éducation, et le marketing ont pris de telles proportions dans le monde de Jennifer Gouvernement que les Trade Marks se sont substituées aux noms de famille, même lorsque les gens travaillent pour le gouvernement comme c’est le cas de Jennifer, le personnage central du livre. Le modèle capitalistique américain a pris le pas sur les patries et les Etats-Unis sont devenus une fédération d’échelle mondiale par des associations d’Etats qui tiennent plus de la fusion-acquisition et forment des terrains de prédilection où s’affrontent les grandes compagnies réunies dans deux alliances concurrentes qui ne laissent quasiment pas de place aux sociétés indépendantes.
Dans ce contexte, un certain John Nike a l’idée de recourir au meurtre de quelques clients pour valoriser le nouveau produit de la firme et faire avancer sa carrière. Il recrute pour ce faire un gogo d’un autre service qui comprenant ce qui lui est demandé, sous-traite auprès de la police qui sous-traite auprès de la NRA. Le résultat est un beau bazar narratif qui attire sur ledit John Nike l’attention de sa vindicative ex-petite amie : Jennifer Gouvernement chez laquelle l’envie de mettre Nike derrière les barreaux vire à l’obsession. Entre les deux évoluent des personnages renvoyés comme des balles de ping-pong de la NRA à Nike, de Mitsui au Gouvernement, de Sydney à Los Angeles, de Londres à Sydney : Buy, un courtier, qui assiste au massacre promotionnel ; Hack Nike, le gogo chargé de l’opération, et sa petite amie Violet très occupée par la réalisation de son produit informatique ; Billy entre deux sociétés, qui ne rêve que de ski mais se retrouve sniper pour la NRA.
Le temps étant de l’argent, il faut être clair et aussi concis que faire se peut : Jennifer Gouvernement ne casse pas la baraque annoncée par le New York Times et n’est pas le digne successeur des oeuvres d’Orwell, Huxley, Breat Easton Ellis et Douglas Coupland comme le clame le quatrième de couverture dans une publicité du même esprit que le modèle dénoncé dans le bouquin.
Pourtant l’idée initiale était bonne. L’extrapolation de l’externalisation et des dérives du marketing fournissent un bon cadre dystopique que l’auteur n’a pas su soigner au mieux faute d’avoir délimité clairement dans sa création ce qu’il restait de l’Etat. Le lecteur se demandera quelle est le rôle du service auquel appartient Jennifer Gouvernement si la police existe toujours par ailleurs ? Un vieux reste du FBI ? De même le modèle économique et la trame du livre semblent supposer une dérégulation qui se révèle en définitive pas encore advenue car souhaitée par John Nike. En fait, l’auteur se laisse emporter par son désir de dénoncer le capitalisme américain et oublie toute rigueur, livrant un livre passablement azimuté dans lequel les acteurs courent en tous sens, finissant par se croiser au prix de pirouettes narratives, révélant un manque de maturité de la part de son créateur. Les sociétés évoquées ont été trop gentilles ou trop sages de ne pas le poursuivre en justice.
Avec la même idée de base, Michael Crichton aurait fait beaucoup mieux. C’est dire !