Les héritiers d’Homère

Nathalie DAU (1966-) et Jean MILLEMANN (1960-)

France, 2009

Argemmios, coll. "Périples mythologiques", 360 p.

ISBN : 978-2-9530239-3-0

Nathalie Dau et Jean Millemann, que l’on avait connu en tant que coordinateur de Pouvoirs critiques, ont eu l’excellente idée de confectionner cette anthologie destinée à remettre au goût du jour le patrimoine abondant de la mythologie gréco-romaine. Les dix-huit auteurs rassemblés ont livré des textes que l’on peut rassembler en deux grands ensembles : ceux qui restent ancrés dans l’époque antique, et ceux qui font le choix de placer leurs développements en un cadre contemporain.

A ce titre, les meilleurs sont assurément « Le syndrome de Midas » de Jess Kaan (plein d’inventivité, il plonge au cœur du capitalisme boursier, avec en prime le thème de la société secrète), « La descente aux enfers d’Orphée et d’Eurydice » signée Anthony Boulanger (mettant en scène un Orphée confronté au dilemme amour et musique, une Eurydice junkie et des enfers en forme de boite de nuit glauque) et « Pierce’s track : the maid and the highway » de Nicolas Eustache (Persée et Andromède transposés dans un univers de bikers et de misère sociale). Viennent ensuite des récits de bonne facture. « Aube » trace ainsi un parallèle entre le mythe et la tragédie individuelle tristement commune, tout comme « Prisonnier de son image », plus convaincant avec son invocation de Narcisse et du Portrait de Dorian Gray. « Firestarter » séduit surtout par son souci de l’écriture et l’originalité du rapprochement entre cortèges dionysiaques et rave parties. Les seules nouvelles plus dispensables dans ce registre moderniste sont « La bouteille, le barbu et le sens du monde », ou l’ivresse pour oublier la misère du monde (thème finalement assez éculé), « Sémélé », clairement SF et poétique mais qui peine à convaincre, ainsi que « Mayday », trop court et au style agaçant.

En ce qui concerne les textes inscrits dans le contexte antique, on peut négliger « Le pacte d’Hécate », assez peu original et plus scolaire, tout comme « Nyctale de Samothrace », quelque peu tiré par les cheveux, et « Le chêne et le tilleul », par trop statique. « Cet éternel orgueil » a beau lui aussi être relativement classique, son traitement de l’orgueil divin aussi bien que mortel possède une incontestable efficacité. « La mort d’Héraclès » de Claire Jacquet se distingue par contre en raison du choix de la forme théâtrale à l’antique et d’un registre humoristique irrésistible (les enzymes gloutons à l’origine de la mort du héros !). Autre genre, plus poétique, pour « L’Esprit de l’Hellespont », une rencontre fort agréable entre la légende et la grande histoire, en l’occurrence l’expédition de Xerxès en Grèce d’Europe. Parmi ces récits qui se distinguent, deux nouvelles peuvent être rapprochées en ce qu’elles portent un regard critique sur le fait religieux : « L’hospitalier » de Yan Marchand par sa démonstration de la nécessité du malheur pour l’existence des dieux ; « Les sept derniers païens » de Romain Lucazeau en une histoire prometteuse sur le fanatisme chrétien et les derniers feux de la religion traditionnelle, quand bien même on aurait attendu encore plus brillant.

Le bilan est en tous les cas largement positif, et rend cet ouvrage majoritairement recommandable. A quand d’autres anthologies dédiées aux diverses mythologies de l’histoire du monde ?