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Neutron
samedi 9 janvier 2010, par
Jean-Pierre ANDREVON (1937-)
France, 1981
Denoël, coll. "Présence du Futur", 288 p.
Après Paysages de mort, Andrevon propose en cette année 1981 un autre recueil de certaines de ses nouvelles, quatre déjà publiées antérieurement (mais deux en partie remaniées) et pas moins de cinq totalement inédites. Le thème fédérateur qui justifie leur regroupement ? La bombe, la peur d’une conflagration atomique et les lendemains post-apocalyptiques de cet embrasement tant redouté.
Pour le versant paranoïaque, il y a « Il faut bien y penser », vivant tableau d’une humanité diverse, du vieillard rural confit dans ses préjugés réactionnaires et acquéreur d’un abri anti-nucléaire à la famille petite bourgeoise sans histoire, qui finit par se suicider collectivement le jour d’une fausse alerte… Viennent ensuite des lendemains qui ne chantent guère. Tous les textes - les plus nombreux - qui déclinent cette thématique ont souvent ceci en commun qu’ils mettent en scène un monde revenu à l’archaïsme, ayant même parfois sombré dans le cannibalisme (« Au cœur de la bombe », « Manger ! »), et combattant de manière fanatique tout retour d’une technologie vue unilatéralement comme nocive (les Purificateurs de « Comme une étoile solitaire et fugitive » et de « Toute la mémoire du monde ») ; une problématique déjà exploré en leur temps par les anglo-saxons (qu’on pense aux Chrysalides de John Wyndham). Mais dans ce dernier récit, l’espoir ne meurt pas, quelques individus isolés se faisant passeurs de mémoire, jusqu’à enjoliver à l’envers l’énergie nucléaire…
Un pessimisme certain, donc, mâtiné de quelques rais de lumière, avec une bonne dose d’émotion : si « La peau d’un chien et les yeux d’une femme » possède une chute grinçante qui ne laisse pas indifférent, la plus grande réussite dans ce registre est indubitablement « Comme une étoile solitaire et fugitive », ou la terrible destinée d’un enfant de la bombe, un mutant atrocement atrophié mais pourvu de pouvoirs mentaux, qui lui permettront de s’accomplir dans son rêve d’embrasser les étoiles. Quant au texte qui donne son titre à l’anthologie, il a cette originalité d’être structuré en forme de synopsis d’un film imaginaire décrivant l’anéantissement d’une population urbaine lambda suite à l’explosion d’une bombe à neutrons, et les efforts des rares survivants pour meubler un temps figé, avant d’être récupérés par l’armée, matérialisation de la survivance mortifère du militarisme.
On sera par contre plus sceptique face à la nouvelle « Les longues vacances », simple variation, sur un mode plus bucolique, du sujet exploité avec Le désert du monde quelques années auparavant, ainsi que pour « La fenêtre », au dénouement aussi intéressant qu’inexpliqué.