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ALICE AU PAYS DES MERVEILLES

samedi 10 avril 2010, par von Bek

Tim BURTON (1958-)

Etats-Unis, 2010, Alice in Wonderland

Mia Wasikowska, Johnny Deep, Helena Bonham Carter, Crispin Glover, Anne Hathaway

Une jeune fille bascule dans un univers fantastique où elle semble attendue, en dépit de ses dénégations, pour accomplir la prophétie en tuant à l’aide d’une épée dévolue le dragon sur lequel s’appuie le pouvoir d’une reine tyrannique et difforme. Une élue qui s’ignore, un dragon, une épée, une méchante reine... rien que des choses très convenues, pour ne pas dire dénuées d’originalité, en notre époque de fantasy galopante. La seule chose qui étonne est de découvrir le titre du film porté par cette trame : Alice au pays des merveilles.

Pourtant, les scénaristes et Tim Burton sont allés puiser leur inspiration chez Lewis Carroll, car le scénario en fait adapte le poème Jabberwocky contenu dans De l’autre côté du miroir. Ce court incipit évoque la victoire d’un jeune garçon sur le terrible monstre Jabberwocky, dont l’illustration de John Tenniel a fait un dragon, en le décapitant à l’aide de l’épée Vorpal. Tout le scénario du film repose dessus.

A considérer la folie furieuse dont peut s’emparer le chapelier fou (Johnny Deep) et l’état de certaines régions du pays des merveilles, le spectateur constatera qu’une autre forme de folie s’est emparée du pays des merveilles, bien différentes de celle qui habitait l’adaptation Disney de 1951. Cette dernière mêlait dans une synthèse de bon aloi différents épisodes des deux romans de Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles (1865) et De l’autre côté du miroir (1871), en une aventure qui privilégiait le non-sens des livres.

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Combat contre le Jabberwocky
Illustration de l’édition originale de De l’autre côté du miroir, par John Tenniel, 1871.

Le film de Tim Burton ne remet pas en cause cette première idée et réunit de nombreux personnages (pas tous, les huîtres, le morse et le charpentier semblent avoir été évacués), dont certains ne figurent pas dans le film de 1951, l’adaptation d’Alice la plus connue comme le fameux Bandersnatch pour une fois bien visible. Il fourmille aussi de références aux ouvrages, le jeu d’échec, thème du deuxième livre, ou de petits détails comme l’affaire du vol de la tarte.

En revanche, si les personnages tiennent des discours mystérieux, ces derniers sont bels et bien sensés, à défaut de raisonnables, le quiproquo n’existant réellement que chez les frères Tweedeldee et Tweedeldum. L’esprit de l’oeuvre originelle est clairement trahie. L’accent est mis sur une quête, une mission à accomplir par une élue. Difficile d’y voir autre chose qu’un sacrifice commercial des créateurs à la mode fantaisique.

Autour de cette aventure dans un monde qui n’a plus rien d’onirique, puisqu’en dépit de sa certitude Alice ne rêve pas, le scénario campe une Alice au sortir de l’adolescence, donc sensiblement plus vieille que dans les romans, devenue orpheline et sur le point d’être mariée. L’arrivée du Lapin Blanc, venue la chercher cette fois, lui permet d’échapper temporairement à la pression sociale et de s’accomplir dans une quête où elle gagne une fermeté de caractère qui lui permet par la suite de se débarrasser d’un projet matrimonial qui ne lui appartient pas et de se camper en business woman, deux évènements guère réalistes avec l’époque victorienne dans laquelle elle vit.

Se retrouve donc, avec l’enjeu de la liberté à reconquérir pour le pays des merveilles, la sempiternelle lutte pour la liberté et la tyrannie. Un thème qu’on ne s’attendait guère à voir surgir dans Alice au pays des merveilles, et surtout pas d’une manière aussi peu subtile. Encore plus affligeante est l’évocation de la nécessité de commercer avec la Chine, petit aide-mémoire à destination des générations qui oublierait le bien fondé de la mondialisation. Qu’à l’époque d’Alice, cette nécessité de commercer ait pris la forme de deux guerres de l’opium, imposant à la Chine d’importer la drogue produite dans les colonies asiatiques des Occidentaux n’a pas sa place dans le film et surtout pas dans les mémoires des jeunes citoyens. Tout comme il ne conviendrait pas de rappeler que la nécessité de commercer avec la Chine aujourd’hui s’explique par le bas coût de la main d’oeuvre chinoise largement encouragé par le gouvernement communiste ce qui conduit à des licenciements abusifs dans les sociétés occidentales. Tout cela n’a pas sa place dans Alice au pays des merveilles, alors pourquoi la Chine s’y trouve-t-elle ?

Reste la griffe de Tim Burton, avec la musique de Danny Elfman et Helena Bonham Carter, à savoir les décors oniriques qui encadrent les aventures d’Alice et que le cinéma en relief valorise grandement. De la l’utilité aussi d’introduire un peu d’action dans les aventures assez contemplatives d’Alice. Or s’il est un peu fou dans sa tête, Tim Burton ne l’est pas comme le sont les livres de Carroll. La folie de Burton est plus sombre, plus inquiétante mais plus rationnelle et donc plus réaliste que celle de Carroll qui se caractérise par le non-sens. Là encore on peine à retrouver l’esprit des livres en dépit d’un film visuellement très réussi.

Encore une fois, comme dans Avatar, des effets spéciaux ne suffisent pas à faire un bon film. Il faut quand même un bon scénario qui fait encore défaut ici

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