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Les compagnons de l’ombre - 6
samedi 26 juin 2010, par
Jean-Marc LOFFICIER (1954-)
France, 2010
Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 300 p.
ISBN : 978-1-935558-52-1
Sixième volet de cette excitante série des Compagnons de l’ombre, libre exercice d’appariements des imaginaires de la littérature d’aventure contemporaine. Comme à l’accoutumée, les excellentes nouvelles voisinent avec des textes plus faibles.
Parmi ces derniers, « Lost in Averoigne », d’Olivier Legrand, qui ne fait qu’effleurer le potentiel de la rencontre entre Indiana Jones et la mythologie lovecraftienne revue par Clark Ashton Smith, tout comme « La lance de Longinus » de Randy Lofficier, nouvel épisode de la belle au bois dormant, cette fois face à Belphégor. « La dame aux gants noirs » de Rick Lai (complément de « La patiente du Dr Cerral » du volume 5), où sont en particulier croisés les Habits noirs de Paul Féval et Joséphine Balsamo, ou « Les damnés de la terre », de Micah Harris, dominé par la figure du comte de Monte Cristo, souffrent pour leur part d’intrigues excessivement complexes, au point de brider le plaisir de la lecture. « La Cagliostro se meurt », de Jean-Marc Lofficier, prolonge « La dame aux gants noirs », mais avec un scénario manquant quelque peu d’ambition. Il en est globalement de même avec « L’arme fatale », de John Peel, où les personnages convoqués laissent un goût d’insuffisamment inutilisé. « La petite vampire » de Neil Penswick, pour sa part, applique au pied de la lettre le surnom de Sherlock Holmes américain décerné à Harry Dickson, avec son goût du rationnel, mais son récit s’achève bien rapidement. « Le noël de Fantômas », de William P. Maynard, perd également en partie de sa force en attribuant à Fantômas des réactions quelque peu outrancières face à de simples enfants. Malgré sa brièveté, « Un incident pendant la guerre des Boers », œuvre de Rick Lai, est plus intéressant par le passage de relais entre criminels qu’il laisse entrevoir.
Les points forts de ce sixième épisode sont heureusement nombreux, à commencer par ce récit à chute et à trois voies, judicieusement nommé « Les trois vies de Maddalena » par Michel Stéphan : s’y croisent en effet, et de manière étonnante, le mythe du vampire et les travaux du docteur Frankenstein. « La mission de Lecoq », signé Jess Nevins, fait le choix d’un contexte historique plus original, celui de l’éphémère royaume du Mexique de Ferdinand Maximilien Joseph, pour mettre en scène des personnages aussi intéressants que le vilain des Mystères de l’ouest et le héros justicier de notre enfance, noble espagnol le jour, cavalier sombre la nuit. Très appréciable également, « La croisade d’Arsène Lupin », de David L. Vineyard, présente le gentleman cambrioleur à une période de sa vie où il n’a rien perdu de son talent, avec quelques sympathiques clins d’œil (dont un à Ian Fleming). Dans une dominante plus fantastique, « De fer et de bronze », du duo Christopher Paul Carey et Win Scott Eckert, voit Hareton Ironcastle, l’explorateur né de la plume du grand Rosny Aîné, se frotter à Antinéa, la reine fatale de Pierre Benoît, et à Francis Ardan alias Doc Savage. Au rayon science-fiction proprement dit, le passionnant récit d’Emmanuel Gorlier, « Nyctalope, si tu savais », se détache nettement : il comble en effet un raccourci narratif des aventures du héros de Jean de la Hire en utilisant les ressources du Voyageur imprudent et de La patrouille du temps. On peut en rapprocher « Les enfants d’Hercule », de Roman Leary, nouvelle évocation -après « Le cœur d’un homme » dans le précédent volume- d’un nyctalope déchu, dans une trame aux révélations émouvantes pour le super héros, ici associé à Quatermass… Quant à la nouvelle de Jean-Marc Lofficier « Le monstre sacré », déjà publiée dans le recueil Pacifica, elle conclut avec brio l’ensemble, offrant une vision hautement critique de l’Eglise… Le plaisir est donc toujours au rendez-vous de ces patchworks littéraires que l’on espérerait plus nombreux.