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Les Formiciens
samedi 7 août 2010, par
Raymond DE RIENZI (1890-1971)
France, 1932
édition récente : EONS, coll. "Fantasy", 234 p.
Au rang des croisements entre la SF française et le prix Goncourt, on retient surtout la récompense attribuée à John Antoine Nau pour Force ennemie, premier titulaire du prix. Mais qui se souvient de Raymond de Rienzi et des Formiciens, en lice pour l’édition 1932, aux côtés du Voyage au bout de la nuit ? Lien amusant entre générations, la double voix de Rosny Aîné, alors président du jury, se porta sur ce roman des temps préhistoriques, ce qui ne suffit alors pas à le faire gagner… Plus incroyable, ce livre précède d’un bon demi siècle l’ouvrage qui contribua à la célébrité d’un certain Bernard Werber, Les fourmis, en développant une thématique similaire. On peut donc saluer le travail éditorial de Jean-Pierre Fontana, qui réédita ce livre pour la seconde fois.
L’action se déroule au Crétacé, alors que les dinosaures n’ont pas encore disparu. L’intrigue s’articule autour de Hind, un formicien (espèce ancêtre de nos fourmis actuelles, avec qui elles partagent pratiquement tout) membre d’une Cité qui n’est pas la sienne. Issu d’un peuple nomade, il s’est en effet retrouvé adopté par une autre tribu, sédentaire, mais ressent inexorablement en lui l’appel du lointain, en plus de souffrir visiblement d’un manque de reconnaissance. Avec son ami Ham, ils décident de partir à l’aventure, échappant ainsi à l’ire des femelles de la fourmilière, désireuses de prendre le pouvoir en son sein. Ils finiront par devenir les captifs d’un autre peuple formicien, mais Hind y rencontrera Mâh, femelle de la même origine que lui, avec qui il débutera une nouvelle lignée, promesse d’un avenir radieux…
Les péripéties ne manquent pas tout au long d’un roman qui évite les longueurs inutiles, demeure prenant de bout en bout, au point qu’à plusieurs reprises, on se sente particulièrement solidaire de Hind, jusqu’à une fin extrêmement touchante et bien trouvée. C’est néanmoins là la principale faiblesse du travail de Raymond de Rienzi, écueil sur lequel allait également s’échouer Werber. Ses formiciens sont en effet bien trop anthropomorphes, Hind éprouvant finalement des émotions qui ne nous dépaysent pas vraiment car tellement proches des nôtres ! De Rienzi semble ainsi reculer devant ce qui aurait demandé sans aucun doute un effort presque démesuré d’imagination, la reconstitution d’une pensée autre, d’une altérité radicale. L’exemple de l’art le montre à lui seul : partant de la prédominance du sens de l’odorat chez les formiciens, il en déduit l’impossibilité d’un art sur lui basé, et montre donc Hind se rabattant sur le dessin… Et pourtant, n’aurait-il pas été possible de postuler la création d’œuvres éphémères, à base de mélange d’odeurs ? D’autre part, si Raymond de Renzi donne une explication intéressante permettant de comprendre la structure sociale des actuelles fourmis (prédominance des neutres) et la dégénérescence de la civilisation formicienne, l’explication en question véhicule un certain sexisme, qui semble s’inquiéter des revendications féministes et privilégie le respect des traditions en ce qui concerne la répartition des tâches.
Cette nouvelle édition s’enrichit de deux nouvelles supplémentaires, mais relativement courtes, qui se situent également à l’époque des dinosaures. « Le troupeau », de Pierre Gévart, retrace le dernier voyage d’un troupeau d’iguanodons fuyant devant la menace d’un prédateur ; sympathique, sans plus Quant à Jean-Luc Blary, avec « Le destin des Saures », il imagine l’effort des dinosaures, dotés de pouvoirs télépathiques, pour dévier l’astéroïde qui les menace. Néanmoins, outre le fait que cette collision n’explique pas à elle seule la disparition des grands sauriens, on ne peut s’empêcher de trouver cette idée uchronique insuffisamment développée.