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Bleu poussière
ou la véritable histoire de Kaël Tallas
samedi 14 août 2010, par
Jennifer D. RICHARD
France, 2007
Robert Laffont, coll. "Best-sellers", 324 p.
ISBN : 978-2-221-10826-0
Jeune auteure n’ayant pas encore atteint la trentaine, Jennifer D. Richard livre avec Bleu poussière un premier roman impressionnant de maîtrise. Illustré par rien moins qu’Enki Bilal, il s’agit d’une réflexion sur la réalité proche des univers de Dick.
Ladislas vit dans un univers proche du nôtre, à quelques détails près. Un soir où, avec son frère jumeau Laszlo, ils ont fêté leur anniversaire à grands coups de rasades d’alcool, il se retrouve péniblement devant l’appartement de ses parents, qu’il découvre occupé par des inconnus. Il se rend alors progressivement compte que le monde dans lequel il erre n’est plus le sien : incarnation d’une société néo libérale exacerbée, le bonheur y est obligatoire, y compris en s’aidant de médicaments adaptés, tandis que les inaptes, les personnes âgées, les handicapés sont vivement invités à passer par la cellule du rêve, où ils seront tout simplement euthanasiés. Dès l’enfance, la valorisation des talents innés est stimulée, et les dénonciations de tous ceux qui n’accepteraient pas de se plier aux règles vivement encouragée. Ladislas découvre également que la personne qu’il incarne dans ce présent alternatif est Kaël Tallas, jeune collaborateur du ministère de l’Avancée sociale promis à un brillant avenir, partisan particulièrement zélé de l’ordre dominant (un de ses projets est ainsi de soumettre l’obtention de la majorité à un examen susceptible de vérifier l’orthodoxie du candidat). Néanmoins, il hésite entre la nécessité de s’adapter à cette nouvelle vie et le besoin qu’il éprouve de retrouver ses proches et de comprendre ce transfert… Difficile d’en dire plus sans sacrifier une partie du plaisir de la lecture, d’autant que le style est très fluide, très accessible, teinté d’oralité.
La chute est évidemment cruciale, et bien que tous les éléments ne reçoivent pas nécessairement d’explication, la condamnation d’un certain acharnement médical est tangible. L’ambiguïté n’est toutefois pas évitée, mais il reste difficile de bien repérer les convictions de l’auteure dans cette traversée des miroirs et des faux semblants, exploration de l’inconscient humain qui s’inspire aussi bien de Daniel Keyes que du film Soleil vert.