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PANDORA
samedi 26 février 2011, par
Albert LEWIN (1894-1968)
Grande-Bretagne, 1951, Pandora and the Flying Dutchman
Ava Gardner, James Mason, Nigel Patrick, Mario Cabré, Harold Warrender
Réalisateur d’un fameux Portrait de Dorian Gray en 1945, Albert Lewin a des prédispositions pour le classique, dans les nombreuses acceptations du terme. Sa filmographie en tant que réalisateur ne compte-t-elle pas aussi une adaptation de Somerset Maugham et une autre du Bel Ami de Maupassant ? Pandora trahit ce goût tant dans le thème abordé que dans les choix du développement. En dépit de son classicisme, l’objet est pourtant étrange.
Vers 1930, une petite colonie d’anglo-saxons a élu pour villégiature la petite ville espagnole d’Esperanza. Formée de personnalités différentes, un champion du monde de vitesse automobile, un poète, un érudit aux multiples centres d’intérêts, elle a pour centre la chanteuse américaine Pandora Reynolds qui fait chavirer tous les coeurs masculins et s’en amuse puisqu’elle pousse, volontairement ou non, ceux-ci à lui sacrifier leurs biens les plus précieux : le poète s’empoisonne en public ; le pilote plonge sa voiture dans la mer contre une promesse de mariage. Arrive sur ce fait un yacht étrange occupé par le seul Hendrik van Der Zee qui exerce une attraction sur l’égérie locale sans pour autant en profiter. Seul l’érudit, justement occupé à lire une confession manuscrite du maudit Hollandais volant, établit un rapprochement avec la véritable nature de van Der Zee. Alors que le mariage de Pandora approche, les évènements se précipitent avec le retour au pays du fameux toréador Montalvo, un ancien amant de Pandora, qui voit rapidement ce que le futur mari ne voit pas : Pandora ne deviendra pas son épouse car elle en aime un autre, mais pour trouver un écho à son amour, elle devra à son tour faire un sacrifice, celui de sa vie, libérant ainsi le Hollandais de sa malédiction.
Ce film est un véritable patchwork de la culture classique ! D’abord parce qu’il va puiser dans différents répertoires de mythes. Le prénom de l’héroïne jouée par Ava Gardner, Pandora, évoque bien sûr le mythe grec dont le film n’est pourtant pas une adaptation. Le personnage est aussi séduisant et curieux - elle plonge dans la mer pour aller à la rencontre du mystérieux yacht - que son homonyme grec antique et, comme elle, elle apporte le malheur. Quant au Hollandais volant, nul besoin d’expliquer qu’il renvoie aux légendes gothiques et romantiques, même si le capitaine van der Zee (le capitaine de La Mer, très original...) ne doit pas sa malédiction à sa tyrannie envers son équipage, la version wagnerienne lui ayant été préférée. On nage alors en plein romantisme. Sur ce synopsis, Lewin colle un développement qui relève de la tragédie classique avec ces atermoiements amoureux et sa passion qui s’enflamme brutalement pour s’interrompre tout aussi vite et retomber dans la froideur quelque peu hautaine des personnages.
Le film Pandora ne cesse donc de faire des allers et retours entre le classicisme et le romantisme. Pandora sort-elle des eaux comme Vénus, c’est pour faire la connaissance du mystérieux capitaine qui vient de peindre son portrait et ce qu’elle prend pour tel. Les rapports humains évoquent-ils la tragédie que le cadre replonge dans le mystère avec une vieille gitane et son tarot prémonitoire.
Aujourd’hui on se demande comment un tel film tient encore debout. Son étrangeté, accentuée par les évolutions sociales de la deuxième moitié du XXe siècle, perdure.