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LES REVOLTES DE L’AN 2000
Attention ! Les enfants ! Danger
samedi 19 novembre 2011, par
Narciso Ibáñez SERRADOR (1935-)
Espagne, 1976, ¿Quién puede matar a un niño ?
Lewis Fiander, Prunella Ransome
Le titre français, Les révoltés de l’an 2000, rend bien mal compte du contenu du film de Serrador ! Il suggère un peu La course à la mort de l’an 2000, sorti comme par hasard un an auparavant, et autres navets américains ou franco-italiens (les pires !) et dissimule ainsi un film terrifiant qui ne peut laisser indifférent.
C’est un peu pour fuir l’horreur du monde et surtout la foule estivale des plages espagnoles qu’un couple de touristes britanniques s’embarque sur un canot à moteur pour la petite île d’Almanzora. Ils y débarquent accueillis par une poignée d’enfants et ne rencontrent aucun adulte dans un premier temps, mais attention les enfants regardent. Dans cette atmosphère angoissante du village déserté, le réalisateur fait monter la tension jusqu’à ce que la violence éclate : une gamine hilare frappe au sang un vieillard avec sa propre canne sous leurs yeux horrifiés. Les gamins de l’île ont massacré toute la population adulte et se préparent à faire de même avec les touristes. Le salut est dans la fuite mais la course n’est pas recommandée à la femme enceinte.
Les révoltés de l’an 2000 rappellent au spectateur qu’il n’est pas besoin de monstre, de tentacules, de crocs ou de pouvoir pour que l’horreur se déchaîne ; la folie pallie ces artifices. Si l’on interprète le contenu du film de Serrador, on peut même dire que l’horreur est le propre de l’homme. Dès le générique, un petit condensé en images des grandes tragédie du troisième quart du siècle prépare le spectateur et fait le compte des victimes, des camps d’extermination à la guerre du Vietnam, en passant par la division des Indes, la guerre de Corée, le Biaffra... en soulignant bien que la part des enfants dans ces victimes est importante. Et cela continue : Serrador a inscrit son film dans un cadre uchronique puisqu’y est annoncée l’extension de la guerre en Asie du Sud-Est à la Thaïlande. Une lecture serait donc de voir les évènements du film comme une vengeance des enfants ou l’instinct de préservation.
Mais les enfants des Révoltés sont tout sauf innocents. Leur folie meurtrière est contagieuse par la pensée, achevant ainsi d’inscrire le film dans le fantastique, et leurs actes sont ludiques sans qu’aucune explication causale ne soit formulée.
Souvent comparé à Hitchcock, le réalisateur uruguayen n’a pas eu besoin de montrer la violence avant que son histoire ne soit très avancée. Des plans habilement cadrés, des scènes qui ne sont pas sans rappeler le film Les oiseaux, les rires des enfants qui accompagnent l’horreur, suffisent et réussissent mieux à installer un malaise d’une intensité rare. Il est vivement recommandé aux femmes enceintes de ne pas le regarder.
A propos de ce film :
« Les Révoltés de l’an 2000 : sur l’île des enfants à l’innocence sacagée », Le Monde, 12 juin 2020
article Wikipedia