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SPECIAL PLEINE LUNE
L’appel de la Lune
samedi 13 août 2011, par
Patrica BRIGGS (1965-)
Etats-Unis, 2006, Moon Called
La Bit-Lit c’est comme les tupperware, il en existe des modèles de toute sorte. Si Anita Blake ne plaît pas, essayez autre chose, pourriez-vous vous entendre dire lors d’une réunion Bit-Lit. La gamme Patricia Briggs offre différents modèles dont le Mercy Thompson.
Mercedes Thompson est mécanicienne spécialisée dans les Volkswagen à Tri-Cities, état de Washington. Métis amérindienne, elle est aussi une changeuse, c’est-à-dire qu’elle a le pouvoir, parmi d’autres qui lui restent à découvrir, de se transformer en un animal et dans son cas elle ne peut se métamorphoser cancoillotte. Dans le monde de Mercy Thompson, les humains vivaient sans le savoir avec de nombreuses créatures magiques : faes, loups-garous, vampires... dont la première catégorie a fait son coming-out, révélant son existence à l’humanité. N’étant pas une fae - terme générique pour désigner différentes créatures magiques du folklore européen -, Mercedes Thompson n’a pas révélé son état à ses connaissances humaines, mais la plupart des créatures magiques vivant à Tricities sont au courant, à commencer par Adam Hauptmann, l’alpha de la meute locale, qui est aussi son voisin. C’est d’ailleurs vers lui que se tourne notre mécano quand débarque dans son garage un jeune garçon visiblement nouveau lycanthrope, donc peu au courant des us et coutumes et surtout pas encore capable de se contrôler, suivi quelques jours après d’un humain et d’un loup-garou suffisamment novice pour se laisser tuer par une coyote. Dans la nuit suivante, la maison de l’alpha Adam est attaquée, lui est sérieusement blessé et sa fille est kidnappée : Mercy Thompson doit affronter une crise qui l’amène non seulement à retourner à ses origines mais aussi à entrer en contact avec le monde fantastique de Tricities.
L’appel de la Lune est un roman introductif d’où les pérégrinations de son intrigue dans l’interlope fantastique, ses ressorts dans les hiérarchies lycanthropes ou vampiriques. Le but est de planter un décor suffisamment accrocheur pour rencontrer le succès, condition sine qua non pour générer une suite en surfant sur la vague d’engouement actuelle pour le fantastique, tout en essayant de ne pas tomber dans les ornières du déjà-vu, d’où les loups-garous qui changent le lecteur des séries centrées sur les vampires comme Anita Blake ou Trueblood. Le pari est gagné puisque qu’en 2010 existe cinq volumes parus, qu’un sixième est attendu pour 2011 et que Patricia Briggs a aussi lancé en 2007 une espèce de spin off en la série Alpha & Oméga.
Pour introductif qu’il soit, ce premier tome a réussi à ne pas sacrifier l’intrigue qui s’avère même franchement plus tarabiscotée que celle de Plaisirs coupables pour continuer la comparaison entre deux séries de Bit-Lit. Le lecteur masculin appréciera peut-être le côté plus ubersexuel que métro du loup-garou. Néanmoins il est évident que la série inaugurée par L’appel de la Lune s’adresse d’abord à un lectorat féminin. Si Patricia Briggs évite de décrire systématiquement la tenue de son héroïne - dont on a du mal à savoir à quoi elle ressemble -, elle campe cependant un personnage contradictoire parce que répondant à des désirs contraires féminins : la maîtrise de la mécanique et les mains dans le cambouis sont certes compatibles avec la cuisine de cookies, des études d’histoire et d’autres d’ingénieurs avortées ou la connaissance approfondie de la vie et des évolutions musicales de Liszt, mais cela fait beaucoup pour une seule personne, homme ou femme, simple mécano dans une aire métropolitaine du Nord-Ouest des Etats-Unis.
Il y a bien sûr aussi tout le côté sensuel auquel la Bit-Lit attache beaucoup d’importance. Ainsi Patricia Briggs insiste-t-elle longuement sur le côté charismatique de la direction de meute ou des dominants chez les loups-garous. Elle a aussi doté son héroïne d’un passé et d’un présent amoureux ambigus comme seules les femmes ou les hommes maso les aiment.
Néanmoins, il faut reconnaître que pour une série de Bit-Lit, comprendre par là de la littérature de voyage sans prétention artistique majeure autre que de donner du plaisir de lecture, L’appel de la Lune est réussi et lisible sans irritation ou exaspération par toute personne de bonne volonté.