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FAHRENHEIT 451

Burn One Down

samedi 15 mars 2003, par Francesco, le mage Kélé

François TRUFFAUT (1932-1984)

Grande-Bretagne, 1966

Oskar Werner, Julie Christie

Précis, bien écrit, poétique, brillant et effrayant, Fahrenheit 451 est un chef-d’œuvre de la littérature d’anticipation et de la littérature tout court. Sa version cinématographique n’est toutefois pas à la hauteur.

Les choix d’adaptation de François Truffaut en sont la principale raison. Certes adapter, c’est le plus souvent trahir. Mais, du livre, Truffaut ne semble retenir que l’aspect politique. De plus, il a choisi de multiplier les images symboles dans sa réalisation, ce qui transforme l’éveil de Montag, le héros, en une série de tableaux pas toujours bien enchaînés. On y voit, par exemple, les pompiers effectuer des fouilles grotesques : dans les jardins d’enfants, un pompier trouve un minuscule livre dans les bras d’un bébé et lui fait la leçon avec un ridicule assumé. A un autre moment, un jeune homme aux cheveux longs se fait tondre dans la rue.

A ce propos, Truffaut alourdit son film par des références beaucoup plus explicites que le livre au régime nazi et à l’Occupation. Et ça, ça date forcément une œuvre. Les pompiers portent des costumes noirs et de grands manteaux sombres. Quand ils brûlent les livres, il enfilent des chasubles blancs de croisés. La caserne ressemble carrément à une prison. Et, devant la porte, une boîte à dénonciations devient l’objet effrayant qui remplace le redoutable robot-limier du livre.

En fait, toute allusion au futur est gommée. L’histoire se passe dans un présent parallèle, d’où une esthétique vieillie. Les voitures ne vont pas à une vitesse folle. D’ailleurs, les gens vont au travail dans un métro suspendu. La publicité, qui empêchait Montag de penser dans le livre, n’est plus omniprésente. Parmi les adaptations réussies, celle de la " Famille ", personnages télévisuels interactifs est satisfaisante. Le grand écran type cinéma n’est pas sans évoquer nos home-cinema d’aujourd’hui...

Truffaut s’est aussi penché sur quelques détails absents du livre mais qui sont loin d’être anodins. Dans son lit, le soir, Montag feuillette une BD sans phylactères. En société, les hommes se serrent la main en utilisant les avant-bras. Ce qui n’est plus le cas après la fuite hors de la cité. Toutes les relations sont aseptisées au maximum. Peut-être est-ce au passage un effet du style Nouvelle Vague, martelé par le générique parlé. A ce propos, voici un détail rigolo : parmi les nombreux livres qui brûlent dans le film, Truffaut glisse un exemplaire des Cahiers du cinéma, auquel il a longuement collaboré. Une figure de style qui lui sera volée avec assez peu de délicatesse par Jan Kounen pour son Dobermann (un des personnages se torche avec la revue).

Côté personnages, beaucoup de choses ont été également revues. Montag est loin d’être aussi benêt que dans le livre. Ce qui l’éloigne paradoxalement de nous. Pour Bradbury, Montag est un homme lambda qui a réfléchi un peu et en devient la victime. Pour Truffaut, il devient un incompris et le symbole d’une lutte politique. Le personnage de Clarisse est aussi profondément changé. De folle de 17 ans, elle devient une institutrice de 20 ans refusée par l’académie, puis par ses propres élèves lors d’une scène poignante. Et elle ne disparaît pas. Dans le livre, son absence précoce provoquait un traumatisme à la fois sur Montag et sur le lecteur, qui perdaient le seul personnage réellement sympathique de ce monde. La présence de Clarisse jusqu’à la fin du film n’est même pas exploitée. Et l’éventuelle histoire d’amour n’arrive pas. Puisqu’on vous dit qu’on est là pour parler politique.

Si l’ensemble de l’adaptation est décevant et n’atteint pas la grandeur du livre, la touche finale peut nous réconcilier avec elle. La présentation des hommes-livres est un bouquet de surréalisme délicieux.


L’avis des EUX :

par Maestro

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