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Dimension Galaxies

samedi 18 juin 2011, par Maestro

Jean-Claude DUNYACH & Stéphanie NICOT, dir.,

France, 1996-2007

Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 2011, 408 p.

ISBN : 978-1-61227-013-5

La collection Fusée de Rivière blanche, assurément une des meilleures de cette maison d’édition, s’enrichit d’une anthologie regroupant quinze nouvelles, publiées dans la première vie de la revue Galaxies, de 1996 à 2007. Les auteurs retenus sont tous francophones, et les deux anthologistes ont pris le soin de privilégier des textes qui n’étaient pas nécessairement disponibles dans d’autres recueils récemment publiés.
« Partage », de Thierry Lévi-Abégnoli, est sans doute un des plus durs : cette histoire de deux spationautes, seuls survivants de la première base martienne, contraints de pratiquer le cannibalisme pour survivre, est d’autant plus frappante qu’elle se déroule sous le sceau d’un certain naturel, avec une chute coup de poing. Une réflexion sur la survie qui ne peut laisser indifférent. Les nouvelles de Sylvie Lainé et Richard Canal se complètent admirablement, la luminosité de la première contrebalançant la noirceur du second. « Un signe de Setty » offre en effet, derrière des images séduisantes, une vision plutôt positive du virtuel, comme une possible ouverture vers l’altérité radicale, tandis que « http://www.cs.starsong » privilégie un propos nettement plus hard-science et inquiétant sur le risque de l’internet, avec en prime une vie extra-terrestre à la nature stimulante. On pourrait d’ailleurs en rapprocher « Une voix dans sa Cité-Mémoire », de Marie-Pierre Najman, une concrétisation intéressante de cette énigme qu’est la mémoire humaine, pour une morale condamnant la vacuité professionnelle au profit d’émotions pleinement humaines. Enfin, « Synesthésie » d’Olivier Paquet est sans aucun doute un des plus beaux textes du recueil, une écriture esthétisante au profit d’un message d’ouverture à l’autre qui ne tombe jamais dans le pathos ou le sirupeux.

Plus politique, Fabien Tournel, pour sa part, propose une vision glaçante et glacée d’un monde où les sportifs sont cotés en bourse, la société centrée sur le spectacle et obsédée par la propreté, une extrapolation tellement proche… (« Grandeur et décadence d’une valeur boursière »). Seule la fin du texte est ratée, trop brutale, nous laissant sur notre faim. Autres critiques clairement engagées, « Panique sur Darwin Alley » de Serge Lehman, élément de son univers F.A.U.S.T. dénonçant les illusions médiatiques qui dissimulent une société de l’exploitation et de l’inégalité, ainsi que « La guerre au vingt heures » de Frank Roger, qui imagine des armées totalement privatisées, soutenues par des sponsors et devant s’efforcer de produire de belles images pour les médias ; une vision d’un capitalisme total, en somme. Jean-Jacques Girardot nous fait également entrevoir, avec « Sur le seuil », une société du risque zéro, permettant à toute personne morte de ressusciter par le biais d’une copie ; un texte qui ouvre de fructueuses réflexions sur la nature de l’existence et de l’identité humaines, sans les approfondir suffisamment. Francis Valéry, avec « Bwana Robinson », choisit quant à lui un ton plus humoristique et déplace la focale pour critiquer la mentalité coloniale, comme un remède contre la bêtise et l’égoïsme. Plus drôle encore, « La porte étroite » de Serge Delsemme, ou comment le dogmatisme d’un ponte de l’Eglise catholique peut déclencher une révolution libertaire sur une lointaine planète !

Avec Jean-Pierre Andrevon et « Il y a toujours une seconde chance », on retrouve un texte aux descriptions léchées, oh combien charnel, tactile, qui décline les thèmes fétiches de l’auteur, la pollution, le nucléaire, les jouissances humaines, la tendance autodestructrice de l’humanité, comme un résumé de sa carrière et un parallèle avec Le monde enfin et Le désert du monde, d’ailleurs nommément cité. Quant à la nouvelle de Michel Jeury, « La bonne étoile », elle semble tout droit sortie des années 70, tant son idée de communautés rurales et harmonieuses qui essaiment à travers l’espace embaume de parfum d’utopie post 68. Parmi les textes moins marquants, on peut citer celui de Claire et Robert Belmas, « Bergère Ô », un hommage à Apollinaire qui convoque une IA, Ulysse et le capitaine Nemo, mais tourne quelque peu à vide, ainsi que « La pêche à la mouche » de Jean-Baptiste Capdeboscq, en raison de son jargon hard-science trop indigeste et de personnages auxquels on peine à s’intéresser (les quelques développements sur Mars comme utopie concrète étaient pourtant prometteurs). Un recueil d’histoires bien troussées, qui prouve avec acuité que la science-fiction est d’abord une littérature qui questionne notre présent.

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