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Ange mémoire

samedi 6 août 2011, par Maestro

Robert Charles WILSON (1953-)

Canada, Memory Wire, 1987

Gallimard, coll. "Folio SF", 336 p.

ISBN : 978-2-07-034349-2

Après La cabane de l’aiguilleur, qui penchait plutôt du côté d’un fantastique rural, Ange mémoire, le second roman de Robert Charles Wilson, relève par certains aspects davantage du cyberpunk. Raymond Keller est en effet un ancien combattant devenu un ange, autrement dit un être câblé, dont l’appareillage implanté dans le cerveau lui permet de tout enregistrer autour de lui ; un rêve de journalisme cliniquement objectif qui est aussi manifestation d’une peur de prendre parti et d’affronter ses souvenirs par trop douloureux. Keller va se retrouver associé à Byron Ostler, un ancien camarade de combat, et à Teresa Rafael, une artiste fragile qui possède une sensibilité particulière avec les onirolithes. Dans ce futur proche du milieu du XXIème siècle, en effet, des artéfacts extra-terrestres ont été découverts en plein cœur de la jungle amazonienne. Ces onirolithes (très beau terme, d’ailleurs) se présentent comme des pierres transparentes, mais contiennent en réalité des myriades d’informations laissées par une espèce extra-terrestre, les Exotiques (qualificatif nettement moins réussi, par contre), dont la seule difficulté est de savoir les décrypter. Un rêve de mémoire parfaite, absolue, qui est le même que celui de Keller… Certains humains possèdent en outre une empathie qui leur permet, au contact des onirolithes, d’avoir accès à des visions du passé de tel ou tel.

On a là comme la projection du romancier Robert Charles Wilson, qui privilégie ici une narration alternant les points de vue, pour mieux pénétrer au cœur de la psychologie de ses personnages, même les plus secondaires. La société décrite est particulièrement sombre, proche également en cela du cyberpunk : multiplication des bidonvilles flottants jusqu’au cœur de la Californie, développement de la misère et des drogues, mise sous tutelle d’un Brésil à la bourgeoisie totalement compradore… Il n’est pas difficile de reconnaître dans ce tableau les rapports inégaux Nord-Sud et les ravages écologiques de la destruction de l’Amazonie au profit d’un capital avide de nouveaux territoires à exploiter et à soumettre à sa loi d’airain. Néanmoins, en dépit de ses quelques trouvailles attachantes, Ange mémoire demeure trop linéaire et classique, en particulier dans le vécu douloureux des personnages (l’ancienne droguée ayant subi un viol dans son enfance, l’orphelin devenu bourreau obsédé par la menace d’une invasion extra-terrestre, l’ancien combattant ayant assisté à la mort de ses camarades et de son aimée…), pour s’imposer comme un incontournable dans la bibliographie de son géniteur. Centré sur son triangle amoureux au point de verser parfois dans le vase clos, le roman aborde pourtant une problématique passionnante, celle de la mémoire, mais sans réellement approfondir cette question clef : s’il est nécessaire d’affronter des épisodes traumatisants de sa vie passée, est-il pour autant concevable, à l’instar des Exotiques, d’avoir un esprit humain sans inconscient ?

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