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Le fleuve des dieux

roman-fleuve

samedi 24 septembre 2011, par von Bek

Ian McDONALD (1960-)

Grande-Bretagne, 2004, River of Gods

La colonisation des Indes par la Grande-Bretagne a eu un effet rétroactif culturel certain et le colonisateur a été lui-même colonisé et durablement qui plus est. La littérature britannique est rempli de preuves de ce métissage et Ian McDonald en fournit une de plus avec son Fleuve des dieux.

En 2047, l’Union indienne a vécu et le sous-continent est revenu à l’état de fragmentation pré-colonial, mais la technologie n’a pas fait le même retour en arrière. Le climat n’a pas pour sa part de parti pris politique et la sécheresse frappe équitablement tous les Etats indiens, notamment celui du Bharat baigné par le fleuve sacré, le Gange. En l’absence de mousson depuis 3 ans , les tensions interétatiques s’accroissent, notamment entre le Bhârat et son voisin l’Awadhie, constructeur d’un barrage en amont du fleuve. Une situation des plus palpitante pour Nadja, journaliste en quête du scoop, car, en dépit des avis de son conseiller musulman Shahîn Badûr Khan, la Première ministre bharatie songe sérieusement à une intervention militaire pour saisir le barrage et couper l’herbe sous le pied de l’agitation croissante que fait régner dans la rue le parti nationaliste hindou mené par l’énigmatique N. K. Jîvanjî. Ce n’est pas le moindre des problème du conseiller, travaillé par une libido pour le moins compromettante ayant pour objet les neutres, ces êtres ayant fait subir une profonde transformation de leur biologie naturelle à grand coût d’opérations nanotechnologiques. Il en va ainsi de Tal, chef décorateur visuel, du soap opera à succès et totalement virtuel Town and Country. Une émission que ne manquerait pour rien au monde la douce Pârvati, épouse de M. Nanda, un flic Krishna, c’est-à-dire chargé de l’élimination des aei violant les accords internationaux visant à limiter le développement des Intelligences artificielles à un niveau pas trop supérieur à celui de l’intelligence humaine. Or, clairement, c’est ce qui s’est passé : une aei de niveau 3 agit en sous-main. En quoi est-elle liée aux époux Trudeau, des savants franco-indiens ? Il appartient à M. Nanda de le découvrir. Ces mêmes époux Trudeau intéressent par ailleurs la jeune Aj venue chercher l’assistance du professeur Lull qui a fuit en Inde ses problèmes conjugaux. Tout deux gagnent Vârânasî (Bénares), la capitale du Bhârat, en dépit de la guerre qui menace et avec sur leurs talons Lisa Durneau, ancienne collègue et amante de Lull, chargée par la CIA de le retrouver pour participer au décryptage d’un mystérieux artéfact découvert au point de Lagrange L5. Si ce voyage est une initiation à l’Inde pour Lisa, c’est un retour aux sources pour Vishram, fils cadet du magnat de l’électricité bhâratie, rappelé à la maison par papa.

Vous trouvez ce résumé compliqué, confus ? Attendez d’avoir fait la connaissance du dernier personnage, Shiv. Une sale engeance celui-là, une mauvaise graine, je n’ai pas compris à quoi il servait dans le récit. En fait Le fleuve des dieux est à l’image des Indes et de la vision occidentale de celles-ci : un pays aux contradictions les plus flagrantes, capable de voir coexister dans la même société les pratiques ancestrales les plus contestables et obscurantistes avec une technologie des plus pointue, et une caricature quand elles sont résumées par une Européen. Ian McDonald a bien montré la complexité du sous-continent à grand renfort d’un vocabulaire que ne suffit pas toujours à éclairer le lexique final, sans pour autant perdre le contrôle de son récit, bâti sur les destins de neuf personnages qui se croisent. Pour foisonnant qu’il soit, rappelant en cela les romans de Neal Stephenson comme Le samouraï virtuel ou L’Âge de diamant, Le fleuve des dieux ne part pas en vrille sur sa fin et le récit demeure cohérent : tout est expliqué. Il a la clarté qui manquait à Neuromancien.

Les éléments science-fictifs des plus poussés y sont incorporés et certains lecteurs auront besoin d’un appoint scientifique au moins pour saisir le dénouement final. Dans la tradition du récit cyberpunk (ou postcyberpunk pour les adeptes du terme), Ian McDonald explore les potentialités de la réalité virtuelle associée à l’Internet. Il pousse la chirurgie nanotechnologique à son paroxysme, celui de la reconstruction complète d’un corps humain. Les thématiques sont multiples : à la nanotechnologie et la réalité virtuelle déjà citée, s’ajoutent le Big Dumb Object, un classique de la SF, et la physique quantique.

Et au milieu de toute cette technologie, coule un fleuve.

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