Dimension de Capes et d’Esprits 2

Eric BOISSAU

France, 2011

Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 294 p.

ISBN : 978-1-61227-027-2

Second volume de cette réjouissante anthologie de fantasy historique, Dimension de capes et d’esprits le retour, préfacé cette fois par la valeur montante David S. Khara, propose neuf récits inédits (tout au moins pour leur quasi-totalité), qui prennent tous place dans l’époque moderne.

« Les Cométaires d’Aurigalle », de Jean-Michel Archaimbault, est un des plus réussis. Si l’on découvre en postface que cette histoire comble un manque dans l’univers créé par Maurice Limat, la nouvelle se lit aisément sans maîtrise de ces références, exception faite de la fin ouverte. La destinée de cette marquise et de ce magicien-scientifique croise en effet les sciences du XVIIIème siècle et leurs hypothèses erronées, la légende du comte de Saint-Germain, une hubris pré-Frankenstein et la grande histoire, à travers les débuts de la Révolution. Autre réussite, Fabien Clavel et « Une aventure de Don Juan », mise en scène racée du légendaire séducteur, face à une jeune femme apparemment insensible à son charme. L’occasion pour l’auteur d’esquisser une relation pleine d’ambiguïté entre Don Juan et son serviteur Sganarelle, et de proposer une approche précoce de l’inconscient, se rapprochant par-là de la nouvelle de Lionel Davoust.

Moins brillant mais fort plaisant, « Cent âmes pour un roi », de Xavier Penin, a le mérite, au-delà de son intrigue de sorcellerie finalement assez traditionnelle, de privilégier une approche critique du roi-soleil, trop souvent considéré comme un des plus grands souverains français. Enfin, « Dans la lumière, je viendrai » de Michel Pagel est une efficace évocation d’une aventure inconnue de D’Artagnan, venu à l’aide d’une jeune femme au destin tragique, sur laquelle veille également un sauveur plus immatériel…

La palme de l’originalité revient toutefois au texte de Lionel Davoust, « Les questions dangereuses » : son univers alternatif se révèle en effet inventif et jubilatoire, puisque les mousquetaires y sont remplacés par les mancequetaires, qui se battent à coups d’énigmes, dans ce monde où tout mensonge est une atteinte à l’énergie vitale. Tout au long d’une prose pleine de verve, véritable métaphore du pouvoir des mots, mise en abyme qui est aussi tension entre idéologies et post-modernisme, on croise les alter-égos de Freud, Baudelaire, Lacan et même la mythologie lovecraftienne !

Tangent par rapport au sous-titre de l’anthologie, car ne basculant jamais vraiment dans le fantastique, « Lagardère et la Chasse Galerie » de Jacques Baudou met en scène le célèbre bretteur de Paul Féval, dans une aventure sympathique, centrée sur de cruels aristocrates et une jeune fille en danger, sans être inoubliable. « Traverso », signé Jean-Michel Calvez, débute par de très belles pages évoquant les lendemains de bataille, entre humeurs suintantes et douleurs croisées, mais la suite de son intrigue, basée sur un ancien musicien militaire privé de ses deux jambes, est trop tôt déflorée, le lecteur soupçonnant bien vite le fin mot de l’histoire.

Il convient toutefois de mettre à part deux récits. « Les deux panaches de Cyrano », habile mise en scène du duel entre le vrai Cyrano et D’Artagnan, qui restitue plutôt bien la philosophie du premier, avait précédemment été publié dans le tome 4 des Tales Of The Shadowmen, ainsi que cela est signalé, mais également dans le troisième volume de son équivalent français, Les compagnons de l’ombre, ce qu’il aurait également été utile de préciser. Il en est de même pour « La papesse d’Avignon », de Micah Harris, publié dans le Tales Of The Shadowmen 4 mais aussi dans Les compagnons de l’ombre 5. Le héros en est Solomon Kane, confronté à une nouvelle candidate au trône de Saint Pierre, après la fameuse papesse Jeanne, et surtout à une créature de la même espèce que le Horla de Maupassant.

Au final, ce second tome de Dimension de capes et d’esprits se révèle d’un niveau supérieur au premier, avec des récits bien enlevés et quelques pépites. La suite de cette série d’anthologies gagnerait sans doute à élargir encore davantage ses bornes chronologiques, vers le Moyen-Âge et pourquoi pas l’Antiquité !