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BATMAN (1989)

samedi 8 octobre 2011, par von Bek

Tim BURTON (1958-)

Etats-Unis, 1989

Michael Keaton, Jack Nicholson, Kim Basinger, Michael Gough, Robert Wuhl, Billy Dee Williams, Jack Palance

N’en déplaise à Adam West, Batman au cinéma en 1966, et à son physique guère reprochable, il y a toujours un défi à donner vie au cinéma (ou sur le petit écran) à Batman, le héros créé par Bob Kane en 1939, comme à beaucoup de super-héros. Faute d’une musculature sculpturale ou digne de Mr Univers, le port du costume en synthétique moulant, ou en lycra-qui-gratte comme dirait Nanard, n’est pas permis à tout le monde sans ridicule. Le Superman de Richard Donner s’en était sorti honorablement avec un bon scénario qui évitait de faire une fixation sur les biceps. Il faut dire que la force du kryptonien repose sur une cause suffisamment fumeuse pour que le personnage puisse se passer d’arborer ses pectoraux. Sans en faire une affaire de muscles ou de physique, le cas Batman est un autre problème et, dès les débuts du projet, le choix de Michael Keaton pour le rôle avait déchaîné les critiques du fandom. Ce qu’on l’on comprend à tout le moins en France quand on sait que Michael Keaton ressemble comme deux gouttes d’eau à Julien Lepers, qu’on irait pas imaginer en Batman !

Alors que la ville de Gotham prépare son bicentenaire en dépit de la bonne activité de sa pègre dominée par Carl Grissom (Jack Palance), une étrange chauve-souris humaine semble terroriser les criminels, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention du journaliste Alexandre Knox (Robert Wuhl) et de la photographe Vicky Vale (Kim Basinger) malgré les efforts de la police pour étouffer les rumeurs sur le sujet. Leur enquête les conduit à une réception donnée par le richissime Bruce Wayne (Michael Keaton), alors même que, très sûr de lui, le caïd n’hésite même pas à utiliser la police pour se débarrasser par jalousie de son bras-droit, Jack Napier (Jack Nicholson), au cours d’une tentative de camouflage de ses opérations. L’intervention de Batman conduit à la chute de Napier dans une cuve de produits chimiques dont il ressort discrètement mais complétement défiguré, achevant ainsi de basculer dans la folie. Devenu le Joker, Napier prend la tête du crime organisé et entreprend de terroriser la ville en empoisonnant les produits cosmétiques. Mais Batman se dresse sur son chemin, lequel passe d’ailleurs par les renseignements qu’aurait pu collecter la belle photographe.

A la différence du Batman de 1966, le parti pris n’est pas à la comédie. Les onomatopée pugilistiques sont reléguées aux oubliettes du mauvais comique et, s’il y a humour, il est noir. En matière de Batman, les préférences du torturé Tim Burton vont d’abord à Frank Miller. D’où un Bruce Wayne qui aurait bien besoin d’une psychanalyse. Cet aspect du super-héros est au cœur même du scénario et explique que le film ne débute pas par les origines du personnage, comme nombre de film de super-héros avant et après, mais choisisse de les dévoiler au cours du film. Fausse révélation bien sûr, car l’immense majorité des spectateurs n’est pas sans savoir qui se cache sous le masque de chauve-souris. Quoique ne contrôlant pas totalement le scénario, qui aurait été modifié plusieurs fois par la Warner en cours de tournage, Tim Burton a obtenu l’absence de Robin, faisant de son personnage un solitaire torturé dont l’état inquiète un Alfred très britannique mais un peu trop âgé. Est opéré ici un choix crucial : le héros est noircit ; son statut demeure une énigme pour les autorités jusqu’à la fin du film qui l’officialise comme ultime recours de la police. Batman by Tim est un film noir.

D’où le soin particulier apporté aux décors, un aspect très cher au réalisateur visible au travers de toute sa filmographie. Monumentaux, dignes de l’âge d’or hollywoodien, les décors constituent un savant mélange d’Art déco et de gothique à l’instar des films d’horreur des années 20 et 30, correspondant aussi à une époque de gangsters, donc au film noir des années 40. Le fait que la majorité des scènes se passent de nuit, que le joker déploie un humour des plus cruels et accumule les cadavres, achèvent de faire de ce film un film pour adulte, ce que n’était pas celui de 1966. La musique de Danny Elfman et l’engouement de Prince pour le projet achèvent, eux, de faire de Batman une œuvre d’art à défaut d’un chef d’œuvre.

Car les critiques ne manquent pas. Rien n’explique le choix de Michael Keaton pour le rôle titre. L’idée géniale d’équiper le héros d’une armure aux formes musculaires, à l’image des péplums, éliminait certes le besoin d’un Apollon et permettra à d’autres d’endosser le costume plus tard. Mais s’il joue bien les hommes perdus ou torturés par leurs souvenirs, Michael Keaton n’a pas le physique de Bruce Wayne. Sa taille moyenne, sa coupe de cheveux frisotés à la Tom Hanks, sa bouche charnue ridicule sous le masque de Batman, ne remplissent pas le cahier des charges. Heureusement la distribution a eu aussi son coup de génie en proposant le rôle du Joker à Jack Nicholson dont le talent à jouer les fous dangereux est connu de tous depuis Shining. Equipé de nombreux artéfacts sanglants et soigneusement maquillé, l’acteur endosse parfaitement le rôle et saura se faire payer grassement en royalties sur le film et ses produits dérivés. Lui au moins avait cru au succès. La présence de Billy Dee Williams, dans le rôle totalement inutile de Harvey Dent, pas encore Double-face, laisse supposer que les studios avaient aussi placé leur pion dans l’éventualité d’une suite.

Le scénario, ensuite, clairement construit autour de la personnalité des deux adversaires présente de sérieuses lacunes. Les complots du Joker apparaissent comme des détails simplement destinés à confronter les deux monstres. On est très loin du plan machiavélique d’un Lex Luthor dans Superman. Rapidement le scénario tourne autour d’une rivalité pour la même femme. Si cela aussi n’avait pas été traité un peu légèrement, on se serait cru dans un western. D’ailleurs, le personnage même de Vicky Vale, en dépit du talent de Kim Basinger, est une aberration dans la psychose de Wayne, sacrifiée aux exigences romantiques attribuées aux spectateurs.

Enfin, côté baston, le film de Tim Burton n’est pas novateur. Quoique débarrassé des onomatopées, les coups de poings restent téléphonés. Le costume, sans doute pas assez souple, handicape son porteur et les bagarres n’ont pas la chorégraphie empruntée aux arts martiaux asiatiques que l’on verra vingt ans plus tard. Mais ce n’était pas un souci à l’époque. En dépit de quatre "suites", loin d’annoncer une nouvelle ère du film de super-héros, le Batman en clôt une : celles des effets spéciaux pré-numériques et des vieilles bagarres de saloon. Il a donc un peu mal vieilli.

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