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Planète à louer
samedi 29 octobre 2011, par
YOSS (1969-)
Cuba, 2002, Se alquila un planeta
Mnémos, coll. "Dédales", 2011, 272 p.
On avait déjà pu découvrir Yoss, ce singulier représentant de la SF cubaine, avec son recueil Interférences, paru chez Rivière blanche, qui confirme au passage son rôle de découvreur de talents. Cette fois, c’est Mnémos qui l’accueille avec un roman composé en réalité de plusieurs histoires différentes, dont les divers personnages entretiennent des liens plus ou moins serrés entre eux, à l’image du Joe Haldeman du Message ou du Eschbach de Des milliards de tapis de cheveux.
Dans cet avenir relativement proche, la Terre est passée sous la coupe des xénoïdes, des extra-terrestres regroupés en Fédération galactique qui, s’étant fait recevoir par les dirigeants terrestres à coup d’atomiques, ont annihilé l’Afrique et cantonné notre planète à une zone touristique pour aliens en mal de sensations. Sous la plume de Yoss, on se retrouve ainsi plongé dans une galerie d’ET évocatrice de Star Wars ou Men in Black. Chaque chapitre est centré sur un personnage désireux d’abord de s’en sortir individuellement, à tout prix : une jeune femme, travailleuse sociale (un euphémisme pour désigner les prostituées), qui va voir du pays dans la galaxie en sacrifiant sa vie pour assurer la reproduction d’un Gordien insectoïde ; un artiste dont le spectacle consiste à mettre en scène sa propre mort, dans une démarche aussi spectaculaire que vaine ; un sportif de haut niveau, capitaine de l’équipe terrienne de voxl (un sport imaginaire particulièrement inventif), qui n’hésite pas à abandonner ces couleurs dont il était si fier pour une carrière hors de la Terre ; un sous officier des forces de sécurité qui s’accommode à merveille des interstices de la légalité ; un scientifique surdoué mais qui ne peut s’épanouir sur Terre et qui demande l’asile ; quelques individualités en déshérence dont l’objectif est une fuite illégale à travers le cosmos…
A travers tous ces portraits profondément sensibles, profondément humains, c’est bien sûr son île que Yoss évoque, avec son décalage entre les discours et sa réalité plus dure, sa corruption, et les efforts de certains de ses habitants pour échapper à leur condition corsetée. Mais il critique tout autant le capitalisme extérieur et les divers impérialismes, incarnés par les diverses espèces xénoïdes, pleines de mépris pour les Terriens et désireuses de profiter d’eux sans véritable empathie. Un roman qui se lit avec plaisir, auquel on peut seulement reprocher une noirceur trop rarement rompue par quelques fragiles éclats d’espoir.