Accueil > BDSF > Aquablue > Aquablue (1er cycle)
Aquablue (1er cycle)
samedi 12 novembre 2011, par
Scénario : Thierry CAILLETEAU (1959-)
Dessin : Olivier VATINE (1959-) et Ciro TOTA (1954-)
Delcourt, coll. "Conquistador", 5 vol., 1988-1998
Alors que paraît dans quelques jours le douzième volume de la saga Aquablue, sans la participation de Thierry Cailleteau, le seul du duo fondateur qui opérait encore sur la série, il est bon d’effectuer un retour aux sources en se replongeant dans le cycle primitif.
Tout commence avec le naufrage du paquebot spatial Etoile blanche, d’où ne survivent qu’un bébé, Wilfrid Morgenstern, et son robot nourrice Cybot qui finissent par échouer sur la planète Aquablue, une planète recouverte d’eau à 97% et habitée par des humanoïdes amphibies. L’irruption d’un léviathan intègre immédiatement le jeune Wilfrid qui devient Tumu-Nao, une espèce d’élu. Dix-huit ans plus tard, Nao devient officiellement un homme et se marie dans la foulée avec Mi-Nuée, la fille du chef, quand les Terriens opèrent une arrivée remarquée sur Aquablue, d’abord en la personne de l’ethnologue Maurice Dupré, mis au placard en raison de ses scrupules et de son refus de la politique colonialiste terrienne, ensuite sous la forme de la Texec (Texas Energy Consortium) qui est venue mettre en application la concession obtenue des autorités terriennes d’exploiter l’énergie calorifique des eaux de la planète, au risque de la plonger dans les glaces. Bien évidemment, cette perspective n’enchante ni les autochtones, ni Dupré. S’engage alors une lutte entre les indigènes, armés de harpons, et les mercenaires engagés par la Texec. Or ceux-ci sont des employés d’Ulla Morgenstern, tante de Wilfrid-Nao, qui a utilisé la fortune héritée de son frère pour créer une milice privée.
Devant l’incapacité à vaincre l’arsenal des milices Morgenstern, Nao suit les conseils de Dupré et part faire reconnaître sur Terre son droit à l’héritage Morgenstern pour priver sa tante de moyens. C’est Planète bleue, deuxième tome d’Aquablue, paru en 1989. Si la tentative ne débouche que sur une maigre réussite, elle voit l’entrée en scène de deux personnages secondaires : Béatrice, l’ex-femme de Dupré, appelée à rester secondaire, et Carlo, pilote du vaisseau Stromboli, véritable bombe de l’espace (le vaisseau, pas Carlo... encore que, si on lui demandait son avis...). L’irruption des pirates du Mégophias, dans l’épisode du même nom, permet à Nao et ses amis de rétablir l’équilibre pendant que Dupré et Mi-nuée, avec l’aide de l’équipage du sous-marin Barracuda passé dans le camp d’Aquablue, entreprennent d’élucider le mystère qui entoure le léviathan et sa liaison psychique avec Nao. Le personnage salé de Rabah fait son apparition.
Néanmoins la Texec a encore une carte à jouer avec l’intervention de la Légion, corps militaire d’élite, obtenue par la corruption de quelques politiques. Ce sont les évènements de Corail noir et Nao et les siens ne sont pas loin de perdre la partie. Il faut la révélation des secrets d’Aquablue dans Projet Atalanta pour renverser la situation définitivement.
Avec une telle saga épique, riche en rebondissements, Aquablue avait de solides bases pour réussir. Les multiples rééditions (intégrales, anniversaires, ultimate...) manifestent ce succès. Pourtant, la série exploite des thèmes archi-classiques comme le néo-colonialisme, les élections messianiques, les mystères archéologiques qui montrent bien de quelle mamelles les créateurs Thierry Cailleteau et Olivier Vatine ont tiré leur lait. Les auteurs se permettent même une ou deux allusions parfois iconoclastes [1]. L’action est soutenu, souvent violente, l’hémoglobine n’étant pas épargnée.
L’autre point fort réside dans le dessin d’Olivier Vatine dont le trait arrive tout aussi bien à concilier l’expressivité des personnages et le graphisme des engins. Reconnaissons que de ce côté-la, Aquablue fait preuve d’une créativité extraordinaire : l’histoire du Mégophias et de son commandant maudit pourrait faire figure de mythe du space opera. Avec le design de l’équipement de la Légion, dans Corail noir dont la première édition en 1993 s’accompagne d’un cahier graphique de 16 pages, l’art de Vatine atteint des sommets.
Malheureusement une brouille entre les deux pères conduit à la rupture du duo. Le 5e tome, Projet Atalanta, dont la sortie se fait attendre pendant 5 ans alors que les publications des quatre premiers se sont faites régulièrement, est dessiné par Ciro Tota dont le trait ne fait pas l’unanimité. Dans l’intervalle est même lancé un deuxième cycle, Etoile blanche, aussi dessiné par Tota, pourtant très à l’aise.
En l’espace de dix ans, les compères auront lancé un renouvellement profond de la bande dessinée française en pleine crise avec les disparitions de Pilote et de Tintin. En ouvrant une page résolument moderne et adulte, tout en faisant preuve d’humour, Aquablue a fait les belles heures des éditions Delcourt, permettant à celles-ci de lancer bien d’autres œuvres.
[1] « Dans l’espace, personne ne vous entend crier » dans Planète bleue et « Que la force soit avec nous » dans Projet Atalanta. Si vous ne saisissez pas les allusions, qu’est-ce que vous faites sur ce site ???