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Y’a quelqu’un ?

La curée

samedi 17 décembre 2011, par Maestro

Philippe CURVAL (1929-)

France, 1979

Paru la même année que Le dormeur s’éveillera-t-il ?, Y’a quelqu’un ?, à la différence de ce dernier, ne se déroule pas dans le même avenir proche, mais en pleine actualité. En arrière-plan consubstantiel à l’intrigue, les travaux menés au cours des années 70 dans le centre de Paris, particulièrement pour remplacer le grand marché des Halles.

Au sein de cette ville en mutation, Clément, un marginal qui s’agrippe comme il peut à une vie plus rangée, à l’aide de bon nombre de doses d’alcool et de sa relation avec Nina, subit un véritable traumatisme le jour où, au cours d’une promenade du dimanche dans le quartier des Champs Elysées, celle-ci disparaît après l’explosion d’un empilement de téléviseurs. En pleine détresse, Clément se lance alors dans une enquête pour élucider cette éclipse inexpliquée, d’autant que Nina semble réapparaître à plusieurs reprises, mais de manière diaphane et éphémère… Au-delà du désespoir lié à la perte de l’être aimé, Curval effectue un parallèle entre la disparition de Nina et celle du Paris d’antan, sans sombrer pour autant dans une vision nostalgique et passéiste, bien au contraire. Ainsi que le pense Clément, « J’avais rêvé durant si longtemps de cités issues de l’esprit d’architectes visionnaires, coulées dans l’azur, moulées à même la vie ; j’avais cru si fortement à la possibilité d’offrir au prolétariat autre chose que ces banlieues innommables où on le reléguait depuis près d’un siècle pour éviter de le voir investir Paris » (p.40).

Ce que condamne Curval, c’est toute une politique de la ville, conduite d’abord en fonction du profit et de la consommation, de la circulation, sans tenir compte de l’échelle humaine. Remontant à Napoléon III, il y voit l’aboutissement de sa vision de muselage des masses, repoussées dans les banlieues, fatiguant les travailleurs dans les transports et les isolant les uns des autres. Et quelle prémonition, tout comme Jeury dans Le jour des Voies : « Alors s’incarnait le rêve de milliers de Français, blottis dans leurs pavillons comme des forteresses, en liaison directe avec le monde par le canal de la télévision » (p.43) ; « Ce qui avait constitué une méthode de répression était devenu un idéal de société ! » (p.204). Face à ce rouleau compresseur apparent, que reste-t-il, sinon « (…) une solution individuelle pour lutter contre l’emprise du collectif préfabriqué que cherchaient à nous imposer les profiteurs de tout ordre » (p.173). Plus, la véritable explication de l’escamotage de Nina résidant dans l’invasion secrète perpétrée par l’élite d’une Terre parallèle, mais à l’évolution rétrograde (évoquant ici L’invasion des profanateurs de sépultures, pour un cœur idéologique contraire, car Curval voit dans l’intrusion de ces élites alternatives l’explication des tendances réactionnaires à l’œuvre à l’époque !), Clément ne va trouver de solution que dans un terrorisme non aveugle, à l’instar de celui que son anarchiste de beau père appliqua pour sa mort.

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