Accueil > CINECSTASY > A > L’ALLIANCE
L’ALLIANCE
Esèneg
samedi 17 mars 2012, par
Christian de CHALONGE (1937-)
France, 1970 [1]
Jean-Claude Carrière, Anna Karina
Hugues Triboy, vétérinaire, cherche à s’établir à Paris et pour ce faire, tout naturellement, s’inscrit dans une agence matrimoniale avec pour seul critère impératif la taille de l’appartement de la candidate. L’agence l’introduit auprès de Jeanne, riche héritière d’origine suisse, qui vit dans un vaste appartement, qu’elle n’a pas les moyens d’entretenir, dans le VIe arrondissement. La rencontre débouche sur un mariage, mais sans coup de foudre. Rapidement, Hugues s’inquiète des occupations mystérieuses de Jeanne, en vient à tenir un journal enregistré de la surveillance qu’il tente d’exercer. Quand Jeanne découvre celle-ci, elle en vient à son tour à espionner Hugues non seulement parce qu’elle trouve étrange son comportement, mais aussi parce qu’elle aimerait qu’il fasse plus attention à elle au lieu de passer son temps avec les animaux qui occupent une place de plus en plus grande dans l’appartement.
Quels secrets se cachent derrière ses deux êtres qui se cherchent sans se trouver ?
Adaptant le roman [2] de Jean-Claude Carrière, Christian de Chalonge livre un film étonnant, construisant une atmosphère mystérieuse d’abord sur la suspicion de Hugues puis, renversant la situation, sur celle de Jeanne. La sobriété du film, des dialogues surtout, contribue largement à entretenir cette atmosphère.
Le spectateur s’attend rapidement à ce que l’étrange, le fantastique, fasse brutalement irruption dans le film. Pourtant n’est-il déjà pas présent dans l’étrange union entre Jeanne et Hugues, dans le vouvoiement permanent entre ses deux êtres qui pourtant partagent le même lit ? On croirait, dans cette relation qui unit deux solitaires, retrouver les mariages de raison des bourgeois d’avant-guerre. Mais ici point de "Mon ami" ou de "Ma chère" et, faute de fantastique, le spectateur s’attend ensuite à ce que l’un tue l’autre. L’impression est que Chabrol n’est pas loin. L’influence de la Nouvelle vague est là, elle. Anna Karina, une de ses égéries, le rappelle.
Et puis un coup de sonnette et la science-fiction débarque, tout en supposition, en la personne d’un éminent professeur et de son discours sur l’évolution des espèces et la fin de l’humanité. La bonne en rajoute une couche avec ses ragots sur les invasions extra-terrestres sous forme animale. La peur étreint Jeanne. Elle n’est pas la seule, les animaux aussi ont peur mais pour une autre raison.
En fait L’alliance est un film mystique, une Création à l’envers, riche en symbole, y compris celui du serpent, qui commence par la méfiance envers l’Eve, et s’achève dans l’amour. La fin en surprendra plus d’un.
[1] Toujours daté de 1971 sur de nombreux et prestigieux sites, le copyright annoncé dans le générique est lui MCMLXX
[2] que je suppose être L’alliance lantienne (1962), un livre sur lequel je n’ai aucune information, même pas son éditeur, et qui n’apparaît même pas sur NooSFere