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Création
samedi 28 janvier 2012, par
Johan HELIOT (1970-)
France, 2011
J’ai Lu, coll. "Nouveaux Millénaires", 256 p.
ISBN : 978-2-290-03270-1
Approfondissant visiblement son intérêt pour l’histoire juive, sensible dans Ordre noir, le prolifique Johan Heliot signe avec Création un roman très agréable mais qui ne parvient pas à franchir la barre de l’excellence.
Dans un futur proche, que l’on situe autour de 2020, le Moyen-Orient est une nouvelle fois le cadre d’affrontements entre Occidentaux et fondamentalistes musulmans. Au cœur de ce contexte troublé, Israël a décidé de miser sur l’élucidation d’un mystère lié aux découvertes archéologiques des manuscrits de la mer morte, faisant revivre le jardin d’Eden en plein désert du Sinaï... Parallèlement, un soldat français se retrouve catapulté dans cette réalité autre, tandis que Zacharie Granville, multi-millionnaire et « webangéliste » créationniste à succès, décide de lancer une expédition vers ce nouvel Eden, à laquelle il convie le journaliste frustré Saïd.
Indéniablement, l’auteur sait plus que jamais comment accrocher le lecteur, et sa maîtrise du suspens est désormais affirmée. De même, ses personnages principaux évitent l’écueil de l’archétypal : la scientifique israélienne Rachel est une anti-sioniste déclarée, Granville un créationniste adepte de la théorie de l’évolution, et Anthony un soldat sans illusion idéologique. De même, Johan Heliot se frotte ici à la hard-science, non sans un certain succès, faisant de ce jardin d’Eden un carrefour entre les univers, (re)découvert par les Esséniens.
Mais en dehors d’un thème finalement assez classique, celui des extra-terrestres comme origine de la vie (on pense entre autre au célèbre 2001, l’odyssée de l’espace), le roman souffre d’une ambition partiellement bridée et de quelques incohérences non élucidées. En ce qui concerne la première, en plus de privilégier une vision un peu trop littérale du mythe du jardin d’Eden (et par là de défendre une centralité de la mythologie juive, sans que l’on sache pourquoi c’est parmi eux que les entités ont choisi leurs seuls interlocuteurs), le roman s’arrête en effet au seuil de la rencontre avec les mystérieux créateurs. Quant aux secondes, on peut noter un abandon d’Israël par les Etats-Unis peu convaincant car insuffisamment argumenté, tout comme l’arrêt par l’Etat hébreux de son programme nucléaire au profit d’une expérience scientifique de longue haleine, un contrôle peu efficace du terrain de l’expérimentation, une surveillance relâchée des scientifiques sollicités, une bien grande tolérance vis-à-vis du seul témoin des événements, sans parler d’un usage du pari de Pascal discutable, ce dernier étant lui-même extrêmement fragile, ainsi que le Cyrano historique avait déjà pu le mettre en lumière.