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Rien ne nous survivra
Le pire est avenir
samedi 18 février 2012, par
Maïa MAZAURETTE (1978-)
France, 2004
Avec ce roman coup de poing, Maïa Mazaurette renoue avec une certaine SF française, celle, pleinement militante et politisée, des années 68. Son roman met en effet en scène la révolte des jeunes Français contre les adultes, les vieux, d’autant plus haïssables qu’ils s’éloignent de l’âge tournant des 25 ans. La narration, en forme d’écriture brute, s’articule en deux lignes principales, qui correspondent aux parcours de deux jeunes snipers, Silence, personnage mythique et initiateur de la révolte, et l’Immortel, son rival qui va finalement devenir son pire ennemi.
S’intercalant entre ces deux trajectoires, des documents de propagande élaborés par les Théoriciens jeunes permettent d’en apprendre davantage sur ce soulèvement, que l’on peut analyser comme une claque assénée au jeunisme ambiant, un rejet du conservatisme adulte, un grossissement du conflit entre générations, voire une métaphore de l’adolescence en tant que rite initiatique, qui s’accompagne surtout d’une critique poussée jusqu’à l’absurde de notre société de consommation capitaliste, de son décervelage, de son post-modernisme. C’est ce qu’incarnent ces jeunes, anarchistes individualistes totalement nihilistes, tout au moins avant la reprise en main, dans leurs rangs, opérée par l’armée, comme si même cette révolte ultime devait connaître elle aussi une forme de bureaucratisation. On repère en effet, tout au long du roman, des parallèles avec le déroulement de la Révolution française à l’époque de la Convention montagnarde puis de la Terreur (voire des khmers rouges), et cette problématique quelque peu redondante de la révolution dévorant ses enfants…
En confrontant Rien ne nous survivra à un roman tel que Quinzinzinzili, écrit soixante-dix ans plus tôt, on saisit toute la maturation de la crise d’un système, la destruction de tout ce qui incarne la culture normative étant dans le cas du second le fruit indirect d’un cataclysme guerrier, alors qu’elle est pour le premier le fruit conscient d’une explosion de violence qui se retourne contre ses géniteurs, une autodestruction provoquée par l’absence de rêves, d’avenirs... Le cynisme est en tout cas semblable, incarnation du doute de l’artiste face à une société dont elle critique les travers. Dans ce cadre, les faiblesses de crédibilité, réelles (l’absence d’intervention internationale, la répression finalement limitée de la part des adultes), n’ont qu’une importance secondaire.