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Le diapason des mots et des misères

samedi 24 mars 2012, par Maestro

Jérôme NOIREZ (1969-)

France, 2009

Jérôme Noirez est un esthète de l’écriture. Excellente ouverture sur son univers sombre et cruel, ce recueil de quinze nouvelles brille d’abord par une prose finement ciselée, recherchée sans être alambiquée, cultivant les métaphores percutantes et originales. « 7, impasse des mirages » et son histoire d’une ville du désert marquée à jamais par le colossal incendie déclenché autrefois suite au forage d’une nappe de pétrole, que l’on peut voir comme une parabole sur le caractère corrupteur de l’argent, permet de tracer un lien entre Noirez et Brussolo. Si les visions du premier n’ont pas nécessairement l’ampleur de celles du second, elles se révèlent toutefois plus directes. Au risque de faire prévaloir la forme sur le fond, ainsi de la nouvelle éponyme, où l’idée de cordes vocales symbiotiques n’est qu’effleurée, bien qu’on puisse y voir une référence à notre monde assourdissant de voix millionnaires dans lequel la vie privée est de plus en plus anorexique.

Les personnages et les cadres mis en scène par Jérôme Noirez sont en tout cas loin de respirer la joie de vivre, que ce soit dans « Bolex », où des meurtres passés s’invitent sur la pellicule vierge d’un film, « La ville somnambule » et son Prague onirique hanté par des châtrés volontaires comme en une fuite du monde réel, ou « Stati d’Animo », tableau à vif d’un futurisme en actes. Parmi les textes phares de ce recueil, « Kesu, le gouffre sourd », qui trace un parallèle fascinant entre l’art du silence d’un musicien japonais (une culture à laquelle Jérôme Noirez est très sensible) et les destins tragiques de deux personnages abimés par la vie. Mais si la dominante du Diapason des mots et des misères est dépressive, volontiers glauque, on y trouve heureusement des nouvelles plus légères, d’un humour contagieux et hautement délirant. C’est le cas de « L’apocalypse selon Huxley », road movie saturé de produits psychotropes, de « La grande nécrose », pourri par la mort ambiante, avec ses portraits de flics antipathiques ou de professeur pédophile, et de « Feverish Train », avec son personnage de contrôleur en apesanteur fiévreuse officiant à bord d’un improbable train sur coussin d’air véhiculant une faune interlope.

Certes, on trouve quelques textes plus faibles car trop classiques (« Nos aïeuls » et ses enfants tuberculeux hantés par des ascendants aigris, images transparentes de la mort, tandis que « Maison-monstre, cas numéro 186 », sur le thème de la maison hantée, se distingue grâce à quelques trouvailles sympathiques), mais la principale limite des nouvelles ici rassemblées réside dans leur caractère parfois trop systématiquement cruel. Les « Contes pour enfants morts-nés », en particulier, situés en outre en fin d’ouvrage, ont tendance à friser la caricature. Il n’en reste pas moins que Jérôme Noirez est un auteur à découvrir et à connaître, même si on retiendra surtout de lui des lapis-lazuli comme « 7, impasse des mirages » ou « La ville somnambule ».

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