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Les compagnons de l’ombre - 9
samedi 3 mars 2012, par
Jean-Marc LOFFICIER (1954-)
France, 2012
Black Coat Press, collection "Rivière blanche", 306 p.
ISBN : 978-1-61227-061-6
Déjà le neuvième volume pour cette série d’anthologies aux combinatoires aussi savoureuses qu’infinies. Si le Nyctalope était assurément un des personnages centraux du précédent tome, c’est à présent le docteur Oméga qui s’impose comme leader, tant il semble fasciner les anglo-saxons, qui voient en lui un avatar du célébrissime docteur Who. C’est d’ailleurs en pleine référence à certains épisodes de ce dernier que Neil Penswick et Jean-Marc Lofficier ont conçu leurs textes. « Les deux docteurs », du premier, met ainsi face à face le docteur Oméga et le Sâr Dubnotal, incarnations de l’opposition entre science et irrationnel, face à un Paris déserté par ses habitants, avec en point culminant jubilatoire la multiplication ad nauseam des docteurs… « Les trois docteurs » est quant à lui une habile succession de boucles temporelles agençant Fu Manchu, le docteur Mystère et le docteur Oméga confrontés à une possible fin du monde. Du même auteur, associé avec Randy Lofficier, « Docteur Oméga et les producteurs » plonge l’impassible savant au cœur d’Hollywood, dans une situation qui parviendra à le faire sortir de ses gonds ; un texte cocasse, qui n’est pas sans évoquer les démêlées du Tarzan de Burroughs avec le monde du cinéma. Dans « L’immortelle », de Thom Brannan, le docteur Oméga affronte la fiancée de Frankenstein, aidé par le génial Nikola Tesla (plutôt sous-exploité), non sans une certaine charge d’émotion. Enfin, « Les robots de Metropolis », de Travis Hiltz, croise de manière prometteuse le docteur Oméga et le Rotwang du Metropolis de Fritz Lang, déjà réutilisé avec brio dans La brigade chimérique ; on reste cependant dans l’antichambre de ce que pourrait donner la confrontation entre les deux scientifiques, avec une fin ouverte pleine de promesses.
Mais le menu de ces Compagnons de l’ombre supplémentaires est très loin de se limiter au personnage créé par Arnould Galopin. La confrérie des Habits noirs enfantée par Paul Féval, avec son génie du mal le colonel Bozzo-Corona, est au cœur de « L’invitation de Nadine », nouvelle épistolaire signée de Win Scott Eckert relativement anecdotique car trop brève et allusive (elle fait suite à celle du tome 7, « Le mouron rouge en enfer »), et de « Fera-t-il jour demain ? » de Rick Lai, plus ambitieuse car mettant l’organisation en symbiose avec l’histoire réelle de la première moitié du XXe siècle, bien que de façon un brin trop linéaire. On sort nettement plus convaincu de la lecture de deux des meilleures nouvelles de l’anthologie, signées de Micah S. Harris et Matthew Baugh. « La route de Camulodonum », de la première, est une aventure de longue haleine, qui voit le Sâr Dubnotal associé à l’héroïne de Vanity Fair se mettre en chasse de la fille du Grand Dieu Pan. Quant à « Dans l’enfer des tranchées », il nous plonge en plein cœur du premier conflit mondial, aux côtés de Judex et d’un prédécesseur méconnu de Superman, Hugo Danner, face à une création magique qui s’impose comme une métaphore du suicide de la civilisation… Moins impressionnant, mais efficace, G.L. Gick qui revient sur les origines de Madame Atomos avec « Le destin d’une femme ». « Le dernier coup d’Arsène Lupin » et « Vampire au poing » privilégient quant à eux une veine plus émouvante, avec un gentleman cambrioleur à l’agonie titillant un docteur Jones Junior et un des enfants de Folcoche découvrant un visage très humain de la sensuelle et redoutable Irma Vep. Le personnage de Jimmy Guieu, Jean Kariven, est la figure centrale des deux récits de Franck Schildiner, « Le miroir de fumée » et « La mort minuscule », sympathiques pochades qui mettent surtout en valeur l’ingéniosité humaine face à la technologie pourtant supérieure des Polariens et des Dénébiens.
Plus originales tout en étant percutantes, « Les visages de la peur » de Matthew Dennion fait s’affronter Judex et le héros des Griffes de la nuit, sur fond du film de Franju Les yeux sans visage, et « L’affaire du collier revisitée » de Jean-Marc Lofficier met à profit des personnages jusqu’à présent plutôt sous-employés, à savoir Baruch Jorgell et son mentor le mystérieux docteur Cornélius (créations de Gustave Le Rouge). Enfin, une contribution sort davantage de l’ordinaire, puisque Jean-Marc Lofficier propose avec « La bibliothèque des ombres » une sélection de romans qui auraient pu exister, couvertures en prime par John Gallagher : une expérience assurément à renouveler. Au vu de l’ampleur que prend désormais la série des Compagnons de l’ombre, il serait d’ailleurs peut-être bon de proposer, en complément du volume 10 ou sur internet, un index des nouvelles par auteurs et surtout par personnages principaux mis en scène, afin de faciliter d’éventuelles recherches…
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