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LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ADELE BLANC-SEC

samedi 11 août 2012, par von Bek

Luc BESSON (1959-)

France, 2010

Louise Bourgoin, Jacky Nercessian, Gilles Lellouche, Nicolas Giraud, Jean-Paul Rouve, Laure de Clermont, Mathieu Amalric

La chose était inéluctable : dans la course aux hommages rendus, à la quête de nouvelles idées et de scénarios, l’œuvre de Jacques Tardi ne pouvait manquer de faire l’objet d’intérêt de la part du monde du cinéma. Que ce fut Luc Besson qui s’y attaque a dû en inquiéter plus d’un. Non sans raison, car ce qui fait l’âme des aventures d’Adèle Blanc-sec n’est pas forcément très valorisant pour l’âme humaine et certainement pas politiquement correct ! Le réalisateur du très gnangnan Cinquième élément était-il à même de les adapter ? La participation de Jacques Tardi au scénario est-elle vraiment une garantie suffisante ?

Alors qu’Adèle Blanc-sec se rend en Egypte pour en rapporter la momie de Patmosis pour que celui-ci soit ramené à la vie par le professeur Robert Espérandieu, ce dernier a l’idée de peaufiner sa méthode de réanimation en faisant éclore à distance un œuf de ptérodactyle conservé au Jardin des plantes. Libéré, l’animal échappe parfois au contrôle d’Espérandieu et perpètre alors plusieurs crimes. Quand Adèle rentre d’Egypte avec la momie, elle découvre qu’Espérandieu a été appréhendé par une police pour une fois efficace ou chanceuse, jugé et condamné à mort. Si elle veut guérir sa sœur, victime d’un accident saugrenu, Adèle doit donc déjà arracher Espérandieu à la Veuve.

Adapter Adèle Blanc-sec, c’est déjà reconstituer une époque, celle que l’on a dit Belle. Or le Français est soucieux de véracité historique. S’il est prêt à accepter des reconstitutions un peu pauvres dans une série déjà ancienne comme les Brigades du Tigre, il est moins enclin à accepter n’importe-quoi dans du cinéma. C’est donc aussi affaire de moyens, au moins techniques, un domaine que fort heureusement Luc Besson connaît bien. La reconstitution est donc des plus minutieuses et est même un des bonheurs du film, tant dans les décors où n’ont été négligés ni les meubles style 1900, ni les monuments parisiens (recréation numérique du palais du Trocadéro en lieu et place du palais de Chaillot de 1937), que dans les costumes qui habillent magnifiquement Adèle et les autres acteurs, le tout avec fidélité à la BD.

Celle-ci est aussi respectée dans les personnages qui ont été voulus avec le plus ressemblant possible avec leurs originaux du 9e art. Certains sont gâtés : si Nicolas Giraud fait un Andrej Zborowski plus séduisant que l’Antoine apparu dans Adèle et la bête (1976), Mathieu Amalric a été sérieusement grimé pour constituer un Dieuleveult plus laid que l’original. Jacky Nercessian fait un Espérandieu plutôt réussi. Pour être fidèle à leurs personnages, certains ont dû se contorsionner d’une manière qui apparaît peu naturelle comme Gilles Lellouche se regorgeant pour mieux rentrer dans le rôle de Caponi.

De nombreuses scènes empruntées aux quatre premiers albums de la série participent aussi à la fidélité de l’ensemble : d’Adèle dans son bain et des coups de téléphones descendant la hiérarchie républicaine d’Adèle et la bête aux déambulation nocturne du sieur Choupard et à l’évasion des momies du Louvre de Momies en folie (1978). Les clins d’oeil sont multiples et s’élargissent parfois au monde de la BD en général avec la présence, le temps de quelques images, du fétiche arumbaya de l’Oreille cassée. Toutefois, rendre hommage à Tintin dans Adèle, c’est méconnaître un peu beaucoup l’esprit de la seconde. De même la propension d’Adèle à user du déguisement est, elle aussi, fidèle à la BD.

Tout en se voulant aussi fidèle, le scénario marque déjà les premières failles de l’adaptation. On imagine bien la difficulté : difficile de mettre en scène une héroïne dont le but est de sauver de la guillotine, donc de la justice républicaine, un bandit ayant participé à un vol meurtrier. Exit donc Lucien et bienvenue la petite sœur Agathe. Les nombreux meurtres auraient aussi rendu le film un peu trop violent ou alors accessible à un public restreint. Pas question que le citoyen Choupard découvre une momie accrochée à l’arc de triomphe du Carrousel. Si les pouvoirs peuvent être tournés en dérision, pouvait-on impliquer leur hiérarchie dans une secte démoniaque ? Il fut décidé que non et les emprunts au Démon de la tour Eiffel (1976) sont sérieusement limités. Globalement c’est tout le cynisme, pour ne pas dire la misanthropie, et l’anarchisme des albums qui sont sérieusement gommés. Le résultat est un scénario politiquement correct, beaucoup plus respectueux de la science que la BD, et plus sentimental qui a été pondu par le créateur lui-même. Il n’y a guère que l’accident d’Agathe Blanc-sec qui soit bien dans l’humour horrible de l’original. N’ergotons pas avec le devenir de Zborowski nettement plus happy ending.

On pourra bien sûr arguer qu’est présent l’esprit, à la fois hommage et parodie, du roman-feuilleton de l’époque, avec ses délires fantasmagoriques comme le monstre des glaces, le ptérodactyle ou les complots. Il faut cependant reconnaître que l’expédition d’Adèle en Egypte cela fait plus Indiana Jones ou Tintin et Blake et Mortimer que Blanc-sec, qui n’a jamais quitté la France dans la BD.

Visuellement regardable, Les aventures d’Adèle Blanc-sec n’ont d’extraordinaire que le nom et ne décevront que les connaisseurs de la BD, les autres se satisferont d’un film beau à regarder mais un peu insipide.

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